F.8. De Corinthe à Assos
Retour en Macédoine
Paul vient de passer environ 3 mois à Corinthe. Il a avec lui ses collaborateurs les plus proches : Timothée et Tite. Il y a aussi des représentants des Églises de Macédoine qui portent avec eux la participation de ces communautés chrétiennes à la collecte. Il est probable que, pendant ces 3 mois, les Corinthiens ont également réuni les sommes collectées. Il s’agit maintenant de porter l’ensemble à Jérusalem.
St Luc écrit qu’ « un complot fomenté par les Juifs contre lui au moment où il allait s’embarquer pour la Syrie le décida à s’en retourner par la Macédoine » (Ac 20,3).
La position de Paul sur la question de la Loi juive (exposée dans l’épître aux Romains) est maintenant suffisamment connue pour expliquer l’hostilité des Juifs. Ce complot n’est ni le premier, ni le dernier. Ajoutons que le fait de porter une forte somme d’argent a pu aussi susciter des convoitises…
Paul apprend l’existence de ce complot et décide donc de changer ses plans. Il fera un détour par la Macédoine. On ne connaît pas le détail de la 1ère partie de ce voyage. La seule indication que nous ayons est un séjour à Philippes (Ac 20,6).
Comme il est facile de surveiller un port comme Cenchrées, on peut supposer que Paul et ses compagnons partent à pied au moins jusqu’à Athènes, à 90 km de Corinthe, puis qu’ils prennent un bateau pour Thessalonique, soit une navigation de 540 km environ. Il ne lui reste enfin qu’à suivre la Via Egnatia jusqu’à Philippes, soit 170 km.
Mais Paul a pu aussi avoir l’opportunité d’un bateau se rendant à Néapolis, et rallier ensuite Philippes, tout proche.
St Luc nous donne le nom des compagnons de Paul :
- Sopatros, fils de Pyrrhus, de Bérée
- Aristarque et Secundus, de Thessalonique
- Gaïus, de Dobérès (en Macédoine)
- Timothée
- Tychique et Trophime, d’Asie
On n’est pas étonné de trouver des Macédoniens. Par contre, on s’attendrait à trouver des Corinthiens pour convoyer la collecte.
On remarque aussi l’absence de Tite. Peut-être Paul l’a-t-il laissé à Corinthe ? Ou bien l’a-t-il envoyé ailleurs ?
En tout cas, en arrivant à Philippes, il faut désormais ajouter Luc lui-même, car à partir de là, le récit des Actes se poursuit en « nous ». Rappelons au passage que c’est à Philippes, justement, qu’avait fini le dernier passage en « nous », ce qui semble indiquer que Luc était resté dans cette ville. Il va maintenant se joindre au groupe.
Vers Troas
A Philippes, sans qu’on en connaisse la cause, une partie du groupe embarque sans tarder pour Troas, tandis que Paul et Luc restent sur place, et célèbrent « les jours des azymes » (Ac 20,6), c’est-à-dire la fête de la Pâque.
Après la fête, Paul et Luc s’embarquent à Néapolis pour rejoindre Troas.
Ce sont 17 km entre Philippes et Néapolis, puis 210 km de navigation jusqu’à Troas. Alors que le voyage dans l’autre sens n’avait pris que 2 jours (Ac 16,11), Paul et Luc mettent, cette fois, 5 jours pour traverser la mer. Les voyages par mer dépendent de la direction et de l’intensité des vents…
Voilà le groupe des voyageurs reconstitué à Troas, où il passe 7 jours (Ac 20,6).
Sur les pas de Paul
L’Acrocorinthe
L’Acropole d’Athènes
Le forum de Philippes
La Via Egnatia à Philippes
Arrivée à Néapolis
L’île de Samothrace
Troas ...
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L’Acrocorinthe
Vue de la grande avenue d’entrée dans la ville. -
L’Acropole d’Athènes
Paul est-il passé par Athènes ? -
Le forum de Philippes
Dans cette ville, Paul a célébré la fête de Pâques. -
La Via Egnatia à Philippes
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Arrivée à Néapolis
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L’île de Samothrace
Les Actes ne nous parlent pas d’un arrêt dans cette île qui est à mi-distance entre Néapolis et Troas. Le navire y a-t-il fait escale ? Ou bien les vents l’ont-ils contraint à faire un détour loin de cette île ? -
Troas ...
... où Paul rejoint les membres de son groupe qui l’avaient devancé.
L’incident de Troas
Nous sommes « le premier jour de la semaine » (Ac 20,7). Le jour, pour les Juifs, commence la veille à la tombée du soir. L’incident qui suit se passe de nuit. Nous sommes donc dans la nuit de samedi à dimanche.
La communauté des chrétiens de Troas est rassemblée dans la maison de l’un d’eux. Cette maison possède une « chambre haute », au 3e étage. C’est au moins la 3e fois que Paul est dans cette ville, et il part pour Jérusalem, alors il leur parle longuement, et « prolonge son discours jusqu’à minuit » (Ac 20,7).
Eutyche, un adolescent, assis sur le bord de la fenêtre, s’endort et tombe du 3e étage. Lorsqu’on se précipite en bas, on le trouve mort. Paul se jette alors sur lui, le prend dans ses bras, et dit : « son âme est en lui » (Ac 20,10), et on ramène le garçon vivant.
C’est sans doute dans une action de grâce et une ferveur peu communes que toute la communauté célèbre ensuite l’eucharistie (« il rompit le pain » (Ac 20,11)), au cœur de la nuit, et prolonge l’entretien avec Paul « jusqu’à l’aube » (Ac 20,11).
Il est probable que St Luc nous ait rapporté cet étonnant incident pour faire le lien avec l’événement central de la foi chrétienne : la Résurrection du Christ. Voici comment le même Luc le raconte :
Le premier jour de la semaine, à la pointe de l’aurore, elles allèrent à la tombe, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau, mais, étant entrées, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Et il advint, comme elles en demeuraient perplexes, que deux hommes se tinrent devant elles, en habit éblouissant. Et tandis que, saisies d’effroi, elles tenaient leur visage incliné vers le sol, ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici ; mais il est ressuscité. » (Luc 24,1-6)
Il est intéressant de souligner l’habitude des chrétiens, dès le début, de se réunir « le premier jour de la semaine » pour célébrer cet événement. Enfin, St Luc nous témoigne que ce rassemblement se passait autour de l’eucharistie, qui est la prière source de toute vie chrétienne.
La marche vers Assos
En ce dimanche matin, tout le groupe des compagnons de Paul prend le bateau pour Assos. Entre Troas et Assos, c’est une navigation de 60 km.
Mais Paul décide de s’y rendre à pied, ce qui représente une route de 50 km.
Ci-dessous, une copie d’écran de Google Earth. La vue est prise vers le Nord-Est (en haut à gauche se trouve le détroit des Dardanelles).
Pourquoi Paul a-t-il voulu faire ce voyage à pied ?
– Il est possible qu’il ait voulu prolonger les entretiens avec les chrétiens de Troas, alors que le bateau devait partir. Il a pu alors se dire qu’il le retrouverait à Assos, où il devait faire escale. Mais si c’est la seule raison, pourquoi aucun membre du groupe n’est-il resté avec lui ?
– On peut alors imaginer que Paul ait senti le besoin de passer un moment en solitude : « Ainsi en avait-il disposé. Lui-même viendrait par la route. » (Ac 20,13) Tous les missionnaires savent qu’il est régulièrement nécessaire de se retrouver soi-même dans l’intimité d’un cœur à cœur avec le Christ, dans la prière et la solitude.
Paul a-t-il fait ce voyage à pied en un seul jour ? Cela fait beaucoup. Il possible que les 2 raisons ci-dessus soient à combiner : que Paul soit resté un peu plus avec les chrétiens de Troas, et qu’il n’ait rejoint Assos que le lundi en fin de journée, après avoir passé une nuit sur le chemin.
Sur les pas de Paul
La côte au sud de Troas
Entre Troas et Assos
A l'approche d’Assos
Village de Behram
Entrée de la ville
Le temple d’Athéna
Vue en direction de l'est
Grande île de Mytilène
"Stoa" et théâtre
Port
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La côte au sud de Troas
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A l'approche d’Assos
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Village de Behram
Il est construit sur la partie supérieure d’Assos. -
Entrée de la ville
Au-dessus du village se trouvent les ruines d’Assos. Voici une voie conduisant à l’entrée de la ville. -
Vue en direction de l'est
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Grande île de Mytilène
Tandis qu’en face, vers le sud, la grande île de Mytilène.
F. 3e voyage missionnaire
La célébration de l’Eucharistie au 1e siècle
La façon dont les premiers chrétiens célébraient l’eucharistie reste assez incertaine et variait sans doute d’un lieu à l’autre.
Rappelons-nous que le dimanche n’est pas férié dans l’empire romain (c’est Constantin qui en fait un jour de fête, au IVe siècle). Or, c’est le dimanche que le Christ est ressuscité, et c’est cela que les chrétiens célèbrent. Le jour commençant la veille au soir, à la tombée de la nuit, un grand nombre de communautés chrétiennes se réunissent dans la nuit du samedi au dimanche. Le rassemblement se passe chez l’un d’eux, celui qui a le plus de place pour pouvoir recevoir tout le monde.
Dans une première partie, on se redisait ce qui avait été transmis de la mort de Jésus et de sa Résurrection, et que les mémoires, dans cette culture orale, conservaient fidèlement. En lien avec la Passion de Jésus, on faisait mémoire de ce dernier repas. « Pour moi, en effet, j’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, la nuit où il était livré, prit du pain et, après avoir rendu grâce, le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. » » (1 Co 11,23)
Peut-être lisait-on quelque texte de l’Ancien Testament que, dès la Pentecôte, on avait interprété comme prophétie de la vie de Jésus et de l’Église. On se redisait aussi tel passage de la vie de Jésus, tel enseignement qu’il avait laissé.
Puis l’ancien qui avait la responsabilité de la communauté chrétienne faisait un commentaire. Dans le cas du passage de Paul à Troas, c’est à lui, bien sûr, de parler, et le discours dure fort longtemps.
Dans une deuxième partie, on prenait un repas en commun. C’est un repas de fête, où chacun amène un plat partagé entre tous. Dans sa 1ère lettre aux Corinthiens, Paul dénonce une dérive concernant ce repas : « Lors donc que vous vous réunissez en commun, ce n’est plus le Repas du Seigneur que vous prenez. Dès qu’on est à table en effet, chacun prend d’abord son propre repas, et l’un a faim, tandis que l’autre est ivre. Vous n’avez donc pas de maisons pour manger et boire ? » (1 Co 11,20-22)
Ce qui est dénoncé, c’est l’absence de mise en commun alors qu’on est censé célébrer ensemble ce qui unit dans l’amour.
Car c’est au cours de ce repas que les paroles de Jésus lors de la Cène sont solennellement redites sur le pain et le vin, et qu’on célèbre ainsi le sacrement de l’eucharistie du Seigneur.
L’ancien qui préside le repas fait monter vers Dieu une action de grâce, improvisée. Cette prière est fortement inspirée des bénédictions juives et de la Bible, non seulement parce que, souvent, une partie de ces premiers chrétiens sont juifs, mais surtout parce que ce repas a ses racines dans le repas juif de la Pâque.
Des intentions de prières sont partagées dans une grande ferveur, car le Seigneur est là, il est vivant !
Au cours de ce repas, on chante car on communie mieux à la prière commune par le chant.
C’est enfin la communion au Corps et au Sang du Christ. Puis les chrétiens se quittent dans la nuit ou au petit matin, fortifiés dans l’Amour de Dieu et des frères.
L’Eucharistie dans la « Didachè »
La « Didachè » est le plus ancien écrit chrétien connu en dehors de la Bible. Il pourrait avoir été rédigé à la fin du 1e siècle, ou au début du 2e. Son titre « La Didachè » signifie : « l’enseignement » des Apôtres. Il signifie un lien de continuité avec les témoins directs de Jésus.
Deux passages concernent la célébration de l’eucharistie. Nous avons ainsi une idée du genre de prières (fortement teintées d’allusions bibliques) que pouvaient prononcer les premières générations chrétiennes.
14. Réunissez-vous le jour dominical du Seigneur, rompez le pain et rendez grâces, après avoir d’abord confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. Celui qui a un différend avec son compagnon ne doit pas se joindre à vous avant de s’être réconcilié, de peur de profaner votre sacrifice, car voici ce qu’a dit le Seigneur : « Qu’en tout lieu et en tout temps, on m’offre un sacrifice pur ; car je suis un grand roi, dit le Seigneur, et mon nom est admirable parmi les nations. » (Malachie 1,11)
9. Pour ce qui est de l’Eucharistie, rendez grâces ainsi :
D’abord pour le calice : Nous te rendons grâces, ô notre Père, pour la sainte vigne de David, ton serviteur ; tu nous l’as fait connaître par Jésus, ton Serviteur. Gloire à Toi dans les siècles !
Puis pour le pain rompu : Nous te rendons grâces, ô notre Père, pour la vie et la connaissance que tu nous as accordées par Jésus, ton Serviteur. Gloire à toi dans les siècles !
Comme ce pain rompu, autrefois disséminé sur les montagnes, a été recueilli pour n’en faire plus qu’un, rassemble ainsi ton Église des extrémités de la terre dans ton royaume. Oui, à Toi est la gloire et la puissance, par Jésus-Christ dans les siècles !
10. Après avoir été rassasiés, remerciez ainsi :
Nous te rendons grâces, ô Père saint, pour ton saint nom que tu as abrité dans nos cœurs, pour la connaissance, la foi et l’immortalité que tu nous as accordées par Jésus, ton enfant. Gloire à Toi dans les siècles !
C’est toi, Maître tout-puissant, qui as créé l’univers, à la louange de ton nom ; tu as donné aux hommes la nourriture et le breuvage en jouissance, afin qu’ils te rendent grâces ; mais nous, tu nous a gratifiés d’une nourriture et d’un breuvage spirituels, et de la vie éternelle par ton Enfant. Avant tout, nous te rendons grâces, parce que tu es puissant ; gloire à Toi dans les siècles !
Souviens-toi, Seigneur, de délivrer ton Église de tout mal et de la parfaire dans ton amour. Rassemble, des quatre vents, l’Église que tu as sanctifiée, dans le royaume que tu lui as préparé. Car à Toi est la puissance et la gloire dans les siècles !
Vienne ta grâce et que passe ce monde ! Hosannah au Dieu de David !
Si quelqu’un est saint, qu’il vienne ; s’il ne l’est pas, qu’il fasse pénitence ; Marana tha ! Amen.