H.1. Les épîtres de la captivité
Luc termine son ouvrage des Actes des Apôtres en affirmant : « Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. » (Ac 28,29) Au cours de ces deux années, Paul a peut-être écrit Philippiens, Colossiens, Éphésiens, Philémon : « les épîtres de la captivité ».
Plusieurs affirment, avec de sérieux arguments à l’appui, que ces lettres ne sont pas de Paul, car la façon d’écrire est assez différente. Il est possible, en effet, que des disciples de Paul, se réclamant de son autorité, aient rédigé ces lettres, après sa mort. Le procédé, répandu dans l’Antiquité, n’était pas de la supercherie. Il s’agissait au contraire de se réclamer d’un enseignant supérieur, d’un maître, pour l’honorer.
Pourtant, la Tradition attribue à Paul la paternité de ces lettres. On peut concevoir qu’Éphésiens et Colossiens aient été écrits sous couvert du nom de Paul, pour donner un grand enseignement sur l’Église et la vie chrétienne. Mais pour Philémon, quel intérêt d’écrire ce petit billet qui ne contient aucun enseignement théologique, mais plutôt des détails historiques ? Or le contexte de Philémon est le même que celui d’Éphésiens et Colossiens. Que conclure ? Là encore, on ne peut faire que des hypothèses.
Nous préférons donc en rester à ce que dit la Tradition, et c’est le « Paul de la Tradition » que nous allons suivre. Il est peut-être différent du « Paul historique », mais ce n’est pas sûr : le génie de Paul ne saurait être circonscrit à ce que nous en avons compris dans les lettres que nous avons lues précédemment. Et des thèmes nouveaux, des styles nouveaux peuvent aussi émerger dans la vie d’un homme d’une intelligence aussi féconde, lorsque des circonstances sont nouvelles.
Plongeons-nous donc dans ces « lettres de la captivité », ainsi que les « lettres pastorales » (adressées à Tite et Timothée), que nous verrons ensuite.
Nous aborderons d’abord l’ensemble Éphésiens, Colossiens, Philémon. La lettre aux Philippiens arrivera dans un 2e temps.
Reconstitution historique hypothétique
Nous sommes au temps de la 1e captivité de Paul à Rome : 61-63.
Paul est prisonnier, avec Aristarque. Ce Thessalonicien avait accompagné Paul lors de son 3e voyage (Ac 20,4), et également lors du voyage de captivité vers Rome (Ac 27,2).
Près de Paul, mais en liberté, se trouvent aussi Marc, cousin de Barnabé, ainsi qu’un juif nommé Jésus, surnommé Justus. Il y a aussi Luc et Démas, ainsi qu’un chrétien d’Asie : Tychique, qui avait également accompagné Paul lors de son 3e voyage (Ac 20,4).
Au temps où Paul évangélisait Éphèse, un de ses disciples, Épaphras, évangélisa Colosses, et peut-être aussi Laodicée et Hiérapolis.
Pendant sa captivité à Rome, Paul rencontre Épaphras, lui-même prisonnier, qui lui parle de l’Église de Colosses et de l’enseignement ésotérique donné par certaines personnes (« culte des anges »…). Sans doute Épaphras a-t-il poussé Paul à écrire.
Paul écrit donc à l’Église de Colosses, et fait porter sa lettre par Tychique.
Avec Tychique, il envoie Onésime. Cet esclave de Philémon, habitant de Colosses chez qui se tiennent les réunions chrétiennes, s’était enfui dans l’anonymat de la mégapole de Rome. Là, il avait rencontré Paul, qui l’avait converti. Une nouvelle vie s’est alors ouverte pour lui. Paul aurait bien gardé Onésime avec lui, mais ce dernier doit régler les difficultés de son ancienne vie, et en particulier son statut d’esclave en fuite. Une seule solution : retrouver son ancien maître, et implorer le pardon. Paul renvoie donc Onésime à Colosses, avec la lettre qu’il écrit à Philémon pour intervenir en faveur d’Onésime.
Dans cette lettre, on apprend, de plus, que Philémon a sans doute été converti par Paul. Paul n’a jamais été à Colosses (d’après que ce nous en disent les Actes). Mais il est fort possible que Philémon ait été à Éphèse, au temps où Paul y demeurait. Fort de cette « dette spirituelle » à son égard, Paul ose suggérer à Philémon, non seulement de pardonner à Onésime, mais de l’affranchir.
Paul s’adresse brièvement à Archippe, le rappelant à son devoir. Ce chrétien est appelé, en Phm 2, « compagnon d’armes ». Il a peut-être travaillé activement à l’évangélisation d’Éphèse et de sa région. Il ne semble pas originaire de Colosses, puisque les Colossiens, à qui Paul s’adresse, doivent lui transmettre le petit message personnel de Col 4,17.
Dans l’épître aux Colossiens (4,16), Paul annonce qu’il a écrit également une lettre aux chrétiens de Laodicée. Il invite les deux Églises à s’échanger leurs lettres, pour les lire.
Beaucoup d’exégètes estiment que cette lettre aux Laodicéens serait en fait celle que nous connaissons sous le nom de lettre aux Éphésiens, et c’est l’hypothèse que nous garderons.
Dans la lettre aux Éphésiens, on est étonné, en effet, de ne trouver aucune salutation. Pourtant, Paul aurait quantité de personnes à saluer, puisqu’il a passé 2 voire 3 ans dans cette ville. Au contraire, tout dans cette lettre laisse entendre qu’il ne connait pas personnellement ceux à qui il s’adresse (par exemple : Ep 1,15), sauf un certain Nymphas (mentionné dans Colossiens), qui accueille chez lui les réunions de chrétiens. Ceci incline vraiment à penser que la lettre « aux Éphésiens » a été adressée à d’autres qu’aux chrétiens d’Éphèse.
De plus, la lettre aux Éphésiens possède de grandes similitudes avec la lettre aux Colossiens. Le rapprochement avec cette fameuse lettre aux Laodicéens mentionnée par Paul se présente donc spontanément à l’esprit.
Une difficulté se présente cependant : Paul a-t-il vraiment pris la peine d’écrire deux lettres aussi longues pour deux villes que séparent 15 km seulement ? Cette proximité est un argument en faveur de l’échange des lettres, mais il faut bien avouer que reste ce point d’interrogation renvoyant peut-être à des circonstances que nous ignorons.
Tychique serait donc parti avec les deux lettres (Colossiens et Éphésiens), accompagné d’Onésime, porteur de la lettre à Philémon.
La lettre aux Colossiens
Après l’adresse habituelle mentionnant Timothée (serait-il de passage à Rome ?), Paul rend grâce pour les chrétiens de Colosses, qui ont reçu l’Évangile par Épaphras, appelé « notre bien-aimé compagnon de service, fidèle serviteur du Christ » (Col 1,7).
Puis Paul fait un magnifique développement théologique sur le mystère du Christ (voir ci-contre : « L’hymne aux Colossiens »). C’est par lui, le Christ, que le Père « nous a délivrés du pouvoir des ténèbres et transféré dans le royaume du Fils de son Amour » (Col 1,13). C’est au service de ce grand mystère de Salut que Paul se trouve, jusque dans les chaînes. « Je trouve ma joie dans les souffrances que j’endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l’Église. » (Col 1,24) « Oui, je désire que vous sachiez quelle dure bataille je dois livrer pour vous, pour ceux de Laodicée, et pour tant d’autres qui ne m’ont jamais vu de leurs yeux ; afin que leurs cœurs en soient stimulés et que, étroitement rapprochés dans l’amour, ils parviennent au plein épanouissement de l’intelligence qui leur fera pénétrer le mystère de Dieu : Christ en qui se trouvent, cachés, tous les trésors de la sagesse et de la connaissance ! » (Col 2,1-3)
Mais voilà que les Colossiens sont la cible de personnes mal intentionnées, Juifs ou judaïsants, aux « discours spécieux » (Col 2,4), qui les jugent de haut en ramenant les questions d’interdits alimentaires, de néoménies* et sabbats, en imposant un culte des anges, un orgueilleux mépris du corps. Leur prétendue sagesse n’est que « duperie creuse et tradition des hommes » (Col 2,8)
(* Néoménie : Dans les traditions anciennes de la religion d’Israël, fête du nouveau mois lunaire, dont le premier jour est marqué par diverses cérémonies rituelles.)
Encore une fois, Paul oppose la vision du Christ vrai Dieu et vrai homme, qui aime les hommes à la folie. « En lui habite corporellement toute la Plénitude de la Divinité » (Col 2,9). « Il vous a fait revivre avec lui ! Il nous a pardonné toutes nos fautes ! Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire ; il l’a supprimée en la clouant à la croix. » (Col 2,13-15) Comme toujours, en effet, c’est le scandale de la Croix qui est en cause, sans lequel l’homme retombe sans cesse dans la tentation de vouloir se sauver lui-même.
Alors, ce salut reçu de Dieu par la Croix introduit l’homme dans une vie nouvelle infiniment plus élevée que celle de ceux qui vivent de préceptes étroits. « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. Songez aux choses d’en haut, non à celles de la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est désormais cachée avec le Christ en Dieu : quand le Christ sera manifesté, lui qui est votre vie, alors vous aussi vous serez manifestés avec lui pleins de gloire ». (Col 3,1-4)
Cette nouveauté de vie est très concrète. Il s’agit de mourir à tout ce qui est péché pour agir selon l’homme nouveau. Plus de mauvais désirs, cupidité, colère, etc… mais désormais compassion, bienveillance, humilité, douceur, patience. Le pardon du Seigneur doit entrainer à pardonner de même, dans un amour qui doit tout habiter, car il est « le lien de la perfection » (Col 3,14). « Vous vous êtes dépouillés du vieil homme avec ses agissements, et vous avez revêtu le nouveau, celui qui s’achemine vers la vraie connaissance en se renouvelant à l’image de son Créateur. » (Col 3,9-10)
Ainsi, la Parole du Christ doit éclairer toute cette vie nouvelle, et teinter chaque aspect de la vie quotidienne. « Quoi que vous puissiez dire ou faire, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus, rendant par lui grâces au Dieu Père ! » (Col 3,17) Les relations familiales doivent en être renouvelées. La relation maître – esclave s’humanise ; en plein cœur de l’Antiquité sont jetées les bases de l’abolition de l’esclavage.
La fin de la lettre est une série de recommandations et salutations se terminant par : « La salutation de ma main, à moi Paul, la voici : Souvenez-vous de mes chaînes. La grâce soit avec vous. » (Col 4,18)
La lettre aux Éphésiens
L’épître s’ouvre de façon très majestueuse, par une longue contemplation du mystère du Salut en Jésus Christ, mais qui, cependant, est œuvre de la Trinité toute entière (voir ci-contre : « L’hymne aux Éphésiens »).
Plus que dans l’épître aux Colossiens, le grand thème d’Éphésiens est l’Église, témoin et bénéficiaire de la miséricorde de Dieu. Le Christ, mort et ressuscité, exalté à la droite du Père, en est le Chef, la Tête. Et l’Église « est son Corps, la Plénitude de Celui qui est rempli, tout en tout. » (Ep 1,23)
Mais qui sont les membres de ce corps ? Les hommes pécheurs qui étaient esclaves de leurs convoitises. « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! – avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus. Il a voulu par-là démontrer dans les siècles à venir l’extraordinaire richesse de sa grâce, par sa bonté pour nous dans le Christ Jésus. Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu. » (Ep 2,4-8)
Qui sont les membres de l’Église ? Ceux qui étaient païens, qui étaient loin du Christ et du peuple de la 1e alliance, « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (Ep 2,12). Deux peuples (Juifs et païens) étaient séparés par le mur de la haine. Le Sang du Christ les a unis pour en faire « un homme nouveau » (Ep 2,15) « Par la Croix, en sa personne, il a tué la Haine. » (Ep 2,16) « Il est venu proclamer la paix, paix pour vous qui étiez loin (les païens) et paix pour ceux qui étaient proches (les Juifs) : par lui nous avons en effet, tous deux en un seul Esprit, libre accès auprès du Père. » (Ep 2,17-18) Ainsi, toute une construction spirituelle s’élève par la grâce de Dieu. Le Christ en est la pierre angulaire, celle qui unit et donne solidité à l’ensemble ; les Apôtres et les Prophètes en sont les fondations ; et tous ensemble sont « la demeure de Dieu dans l’Esprit » (Ep 2,22).
La mission de Paul est de faire connaître ce mystère de Salut universel et d’y travailler. C’est ce qui donne sens à ses souffrances : « C’est pourquoi moi, Paul, prisonnier du Christ à cause de vous, païens… » (Ep 3,1) « Ne vous laissez pas abattre par les épreuves que j’endure pour vous ; elles sont votre gloire ! » (Ep 3,13) L’engagement de sa vie, c’est qu’un plus grand nombre de personnes puisse découvrir l’amour infini, inimaginable de Dieu. « Soyez enracinés, fondés dans l’amour. Ainsi vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur,… vous connaîtrez l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu. » (Ep 3,17-19)
Cette vision grandiose du déploiement, dans l’histoire, de l’amour de Dieu entraîne pour la vie chrétienne des conséquences immenses. Les chapitres 4 à 6 de la lettre, qu’il faudrait lire en entier, développent tout un programme de vie spirituelle : la vie nouvelle dans le Christ. Et c’est souvent très concret. « Je vous exhorte donc, moi le prisonnier dans le Seigneur, à mener une vie digne de l’appel que vous avez reçu : en toute humilité, douceur et patience, supportez-vous les uns les autres avec charité » (Ep 4,1-2)
Chaque chrétien, à partir de sa nouvelle naissance, qui est son baptême, est appelé à grandir dans l’amour, et à prendre place dans la « construction du Corps du Christ » (Ep 4,12), qui est l’Église. Ce Corps, lui-même, « opère sa croissance et se construit dans la charité. » (Ep 4,16)
Pour participer à cette construction et cette croissance, il s’agit donc de rejeter les forces des ténèbres pour engager sa vie dans la lumière. Plus de mensonge, plus de débauche, plus de vol, plus de parole méchante. « Montrez-vous au contraire bons et compatissants les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. » (Ep 4,32) Plus de cupidité, ni de fornication, ni de paroles bouffonnes. « Il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation spirituelle de votre jugement et revêtir l’Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité. » (Ep 4,22-24)
La vie nouvelle dans le Christ touche, bien sûr, les relations familiales. Comme dans l’épître aux Colossiens, on a une exhortation aux époux à s’aimer profondément dans le respect de chacun. Les relations parents – enfants doivent être imprégnées de la douceur de Dieu. Les esclaves trouvent dans leur foi un chemin de liberté intérieure, et les maîtres doivent se rappeler qu’ils ont le même Seigneur en qui ne se trouve pas de partialité.
Bien sûr, cette vie nouvelle est une vie de conversion. « Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres ; dénoncez-les plutôt. » (Ep 5,8-11)
Qui dit conversion dit aussi combat spirituel. Il s’agit de lutter contre soi-même, mais aussi contre les esprits mauvais qui veulent nous entraîner dans leur état intérieur de désespérance. Paul nous livre alors sa célèbre image du chrétien – soldat : « Il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes. Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l’Évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. » (Ep 6,13-17)
La lettre se termine par la mention de Tychique, que Paul envoie « pour qu’il réconforte vos cœurs. » (Ep 6,22)
La lettre à Philémon
Cette épître, la plus courte de celles qui nous possédons de St Paul (25 versets), est un chef d’œuvre de délicatesse, d’abandon et de confiance. Il convient de la lire doucement et en entier pour comprendre comment Paul jette les bases de la plus importante révolution de l’humanité : l’abolition de l’esclavage. Mais il le fait à la façon du Christ, de manière non « révolutionnaire ». Paul fait appel à ce que le Christ fait naître de meilleur dans le cœur d’un homme renouvelé par l’amour de Dieu.
De Philémon, Paul écrit : « J’entends louer ta charité et la foi qui t’anime, tant à l’égard du Seigneur Jésus qu’au bénéfice de tous les saints. » (Phm 5)
D’Onésime, il écrit : « La requête est pour mon enfant, que j’ai engendré dans les chaînes, cet Onésime, qui jadis ne te fut guère utile, mais qui désormais te sera bien utile, comme il l’est devenu pour moi. Je te le renvoie, et lui, c’est comme mon propre cœur. » (Phm 10-12)
Nul doute qu’à l’invitation de Paul, Philémon n’ait accueilli Onésime, « non plus comme un esclave », mais « comme un frère bien-aimé » (Phm 15).
H. Après le récit des Actes
« L’hymne aux Colossiens »
La contemplation du mystère du Christ par Paul est d’une telle envolée que ce texte est utilisé dans la liturgie comme hymne du Nouveau Testament. Il faut se pénétrer du feu de ces mots et tourner avec Paul notre regard intérieur vers le Christ Dieu-fait-homme, Tête du peuple nouveau qui est l’Église.
Rendez grâce au Père qui vous a mis en mesure
de partager le sort des saints dans la lumière.
Il nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres
et nous a transférés dans le Royaume de son Fils bien-aimé,
en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés.
Il est l’Image du Dieu invisible,
Premier-né de toute créature,
car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses,
dans les cieux et sur la terre,
les visibles et les invisibles,
Trônes, Seigneuries, Principautés, Puissances ;
tout a été créé par lui et pour lui.
Il est avant toutes choses et tout subsiste en lui.
Et il est aussi la Tête du Corps, c’est-à-dire de l’Église :
Il est le Principe, Premier-né d’entre les morts,
(il fallait qu’il obtînt en tout la primauté),
car Dieu s’est plu à faire habiter en lui toute la Plénitude
et par lui à réconcilier tous les êtres pour lui,
aussi bien sur la terre que dans les cieux,
en faisant la paix par le sang de sa croix.
(Col 1,12-20)
Voici une version de cette hymne, chantée par les moines d’En Calcat.
« L’hymne aux Éphésiens »
Comme dans l’épître aux Colossiens, la lettre aux Éphésiens commence par une hymne très majestueuse donnant à contempler le mystère du projet de Dieu sur l’humanité. La première partie est centrée sur le Père, la seconde sur le Fils, la troisième sur le Saint Esprit. Mais tout l’ensemble est l’œuvre de la Trinité, dont la volonté et l’action conduisent l’homme à devenir éternellement « saint et immaculé en sa présence, dans l’amour » (Ep 1,4). Un texte de feu à méditer sans cesse.
Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ,
qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions
spirituelles, aux cieux, dans le Christ.
C’est ainsi qu’Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde,
pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour,
déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus Christ.
Tel fut le bon plaisir de sa volonté, à la louange de gloire de sa grâce,
dont Il nous a gratifiés dans le Bien-Aimé.
En lui nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes,
selon la richesse de sa grâce, qu’Il nous a prodiguée, en toute sagesse et intelligence :
Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté,
ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en lui par avance,
pour le réaliser quand les temps seraient accomplis :
ramener toutes choses sous un seul Chef, le Christ,
les êtres célestes comme les terrestres.
C’est en lui encore que nous avons été mis à part, désignés d’avance,
selon le plan préétabli de Celui qui mène toutes choses au gré de sa volonté,
pour être, à la louange de sa gloire,
ceux qui ont par avance espéré dans le Christ.
C’est en lui que vous aussi,
après avoir entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et y avoir cru,
vous avez été marqués d’un sceau par l’Esprit de la Promesse,
cet Esprit Saint qui constitue les arrhes de notre héritage,
et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis,
pour la louange de sa gloire.
(Ep 1,3-14)
Voici une version musicale de cette hymne, enregistrée lors d’un office de vêpres.