G.7. De Pouzzoles à Rome
Forum d’Appius
Après une semaine passée à Pouzzoles, le centurion, les soldats et les prisonniers en provenance de Judée reprennent le voyage, par la route, cette fois. En partant vers le nord, la troupe rejoint rapidement la Via Appia qui relie Rome à Brindisi. Ensuite, il n’y a plus qu’à la suivre jusqu’à la capitale de l’Empire.
Pendant le séjour de Paul à Pouzzoles, des membres de la communauté chrétienne de la ville sont partis à Rome pour transmettre la nouvelle. Une délégation de chrétiens part à la rencontre de Paul. La rencontre a lieu au Forum d’Appius.
La distance entre Pouzzoles et le Forum d’Appius est de 144km, ce qui représente 5 jours de marche.
Ci-dessous, une carte du tracé de la Via Appia, en rouge. Pouzzoles est indiqué par son nom latin, Puteoli, dans la baie de Naples.
Ci-dessous, quelques paysages rencontrés le long de la Via Appia, et le canal parallèle à la route.
Trois-tavernes
La route se poursuit. 20 km après le Forum d’Appius, à Trois-tavernes, il semble que d’autres chrétiens accueillent Paul.
Trois-tavernes (en latin : Tres tabernae, ce qui se traduirait plutôt par Trois magasins) était une station de poste et un lieu d’accueil pour les voyageurs, sur la Via Appia, près de l’actuelle ville de Cisterna di Latina.
En voyant tous ceux-ci, au Forum d’Appius ou à Trois-tavernes, Paul « rend grâce à Dieu et reprend courage » (Ac 28,16). Était-il découragé ?
Il faut dire aussi que Paul, à Corinthe en 57, désirait venir à Rome depuis « plusieurs années » (Rm 15,23). En 61, sur le point d’arriver à Rome après 2 ans de prison et un voyage long et difficile, on peut facilement imaginer ce que Paul a pu ressentir en se trouvant alors en présence des chers chrétiens romains.
Rome
Escortés autant par les soldats que par les chrétiens de Rome, Paul et ses compagnons parviennent enfin à Rome, la grande capitale qui règne sur toute la Méditerranée, et où Paul rêvait d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ. La distance de Trois-Taverne à Rome est de 60 km.
La Via Appia
Porte Appia ou porte St Sébastien
Arc de Drusus
Porte St Sébastien
La Rome impériale
Cirque Maxime et palais impériaux
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La Via Appia
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Porte Appia ou porte St Sébastien
Lorsqu’on arrive aujourd’hui à Rome, par la Via Appia, on est impressionné par la majestueuse porte Appia, ou porte St Sébastien. Celle-ci n’existait pas du temps de St Paul. Elle a été construite vers 270 par l’empereur Aurélien, intégrée aux remparts de la ville. -
Arc de Drusus
Mais juste derrière la porte se trouve l’Arc de Drusus, construit en 9 av. JC en l’honneur du fils adoptif d’Auguste. Cet arc constituait, au temps de St Paul l’entrée officielle de la ville. L’Apôtre est donc passé sous cet arc, sans doute avec le cœur battant. -
Porte St Sébastien
La porte St Sébastien vue à travers l’arc de Drusus. La vue est donc prise en direction de l’extérieur. -
La Rome impériale
Photo de la maquette de la Rome impériale. On y reconnait le cirque Maxime, les palais impériaux, le grand aqueduc Claudia sous lequel Paul est sans doute passé, le Forum romain (entre le Colisée et le Capitole). Bien sûr, au temps de St Paul, beaucoup de ces constructions n’existaient pas encore (comme le Colisée, les palais impériaux, et plusieurs basiliques du forum). -
Cirque Maxime et palais impériaux
On peut imaginer la troupe de soldats et prisonniers passant près du Cirque Maxime, puis se dirigeant par la Via Sacra vers le Forum, cœur de la ville.
La vidéo suivante présente une reconstitution par ordinateur du Cirque Maxime, qui pouvait contenir plus de 250.000 spectateurs.
Rappelons, pour mémoire, que c’est sans doute dans ce cirque que le plus grand nombre de chrétiens ont été tués lors des différentes persécutions.
À la vue de ce champ de ruines, il est difficile de se représenter ce qu’il pouvait être dans l’antiquité. Voici une vidéo présentant une reconstitution par ordinateur du Forum romain.
En arrivant à Rome, la troupe escortant Paul et ses compagnons s’est peut-être rendu à la Casta Praetoria, le camp de la Garde Prétorienne, où le centurion Julius a pu remettre les prisonniers aux autorités compétentes.
Ci-dessous, le mur d’enceinte de ce camp.
Mais les charges pesant sur Paul ne sont pas lourdes (rappelons-nous que le procureur Festus ne savait pas quoi écrire sur lui pour l’envoyer devant César, au point qu’il a fait interroger Paul par le roi Agrippa : Ac 25,26-27). Par ailleurs, les circonstances du voyage ont certainement conduit Julius à parler en faveur de Paul.
Ceci permet de comprendre ce que nous relate St Luc : « Quand nous fûmes entrés dans Rome, on permit à Paul de loger en son particulier avec le soldat qui le gardait. » (Ac 28,16) Autrement dit : on permet à Paul de vivre dans un appartement qu’il va louer, accompagné du garde auquel il est continuellement enchaîné.
On ne sait pas où Paul a habité. Certains pensent que ce serait aux environs de la Casta Praetoria, donc au nord-est de Rome. Mais on peut aussi imaginer que ce soit plutôt au Trastevere, à l’ouest du Tibre, quartier populaire où se trouvaient les Juifs, mais également les chrétiens. En tous cas, ce devait être dans une « insula », un immeuble de Rome.
Ci-dessous, une insula romana, sur le flanc de la colline du Capitole.
Ci-dessous, une maquette d’une insula d’Ostie, le port de Rome.
Les dernières paroles de Paul rapportées par les Actes
Trois jours après son arrivée et son installation à Rome, Paul invite les notables juifs. Luc nous rapporte cette rencontre :
Lorsqu’ils furent réunis, il leur dit : « Frères, alors que je n’avais rien fait contre notre peuple ni contre les coutumes des pères, j’ai été arrêté à Jérusalem et livré aux mains des Romains. Enquête faite, ceux-ci voulaient me relâcher, parce qu’il n’y avait rien en moi qui méritât la mort. Mais comme les Juifs s’y opposaient, j’ai été contraint d’en appeler à César, sans pourtant vouloir accuser en rien ma nation. Voilà pourquoi j’ai demandé à vous voir et à vous parler ; car c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte les chaînes que voici. » Ils lui répondirent : « Pour notre compte, nous n’avons reçu à ton sujet aucune lettre de Judée, et aucun des frères arrivés ici ne nous a rien communiqué ni appris de fâcheux sur ton compte. Mais nous voudrions entendre de ta bouche ce que tu penses ; car pour ce qui est de ce parti-là, nous savons qu’il rencontre partout la contradiction. » Ils prirent donc jour avec lui et vinrent en plus grand nombre le trouver en son logis. Dans l’exposé qu’il leur fit, il rendait témoignage du Royaume de Dieu et cherchait à les persuader au sujet de Jésus, en partant de la Loi de Moïse et des Prophètes. Cela dura depuis le matin jusqu’au soir. Les uns se laissaient persuader par ses paroles, les autres restaient incrédules. Ils se séparaient sans être d’accord entre eux, quand Paul dit ce simple mot : « Elles sont bien vraies les paroles que l’Esprit Saint a dites à vos pères par la bouche du prophète Isaïe :
Va trouver ce peuple et dis-lui : Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas ; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. C’est que l’esprit de ce peuple s’est épaissi : ils se sont bouché les oreilles, ils ont fermé les yeux, de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n’entendent, que leur esprit ne comprenne, qu’ils ne se convertissent. Et je les aurais guéris ! (Is 6,9-10)
Sachez-le donc : c’est aux païens qu’a été envoyé ce salut de Dieu. Eux du moins, ils écouteront. »
(Ac 28,17-28)
St Luc se plait à nous montrer que, jusqu’au bout, Paul aura été fidèle à son désir que ses frères Juifs accueillent le Christ. Et, jusqu’au bout, il rencontrera des difficultés. Ce texte d’Isaïe invoqué par Paul est cité également par les Évangélistes Matthieu, Marc et Jean. C’est dire si tous ont été marqués par cette mystérieuse résistance du peuple Juif à accueillir la Bonne Nouvelle, annoncée dans la prophétie d’Isaïe.
Au chapitres 9 à 11 de son épître aux Romains, Paul, nous l’avons vu, a réfléchi à ce problème spécifique : l’endurcissement d’Israël doit se prolonger, le temps que Dieu fasse miséricorde aux autres nations ; alors les Juifs, eux aussi, accueillerons le Messie.
Et ensuite ?
Paul demeura deux années entières dans le logis qu’il avait loué. Il recevait tous ceux qui venaient le trouver, proclamant le Royaume de Dieu et enseignant ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec pleine assurance et sans obstacle. (Ac 28,29-30)
L’objectif de Luc était de montrer la propagation de la Bonne Nouvelle : « Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 1,7). Voilà qui est fait avec l’arrivée à Rome. Et cette annonce de l’Évangile se fait « sans obstacle ». C’est dire que désormais, depuis Rome, l’Évangile rayonnera dans le monde entier.
Luc ne détaille pas les activités de Paul pendant ces 2 années dans la capitale de l’Empire (c’est dommage pour nous) car ce n’est pas son sujet. Il se veut témoin des actes du Saint Esprit à travers les Apôtres, et non pas chroniqueur d’un tel ou d’un autre.
Certains pensent que Paul a été condamné à mort au bout de 2 ans à Rome. Mais il serait étonnant que Luc ne l’ai pas mentionné, comme témoignage suprême de celui qui a donné sa vie au Christ depuis la fameuse rencontre du chemin de Damas. Voilà pourquoi il est généralement admis que l’appel de Paul à l’empereur a débouché sur sa libération, au cours ou bien au terme de ces 2 années mentionnées par Luc.
Paul est arrivé à Rome en 61. Qu’a donc pu faire St Paul à partir de 63 ? Nous n’avons plus les Actes des Apôtres pour nous informer. Il faut essayer, avec beaucoup de précautions, d’interroger les écrits de St Paul que nous n’avons pas encore rencontrés : les épîtres de la captivité et les lettres pastorales.
G. Le voyage de captivité
La Via Appia
La Via Appia est la voie romaine la mieux conservée, et de nos jours de nombreux vestiges sont encore visibles. Son importance est confirmée par le surnom de « Reine des voies » (Regina Viarum) que lui donnaient les Romains.
Sa construction fut ordonnée par le censeur Appius Claudius Caecus à partir de 312 av. J.-C. Cette route joignait à l’origine Rome à Capoue, puis fut prolongée jusqu’à Brindes (Brundisium). Elle devint, du coup, la liaison principale entre Rome et les destinations orientales.
Pour toutes les voies romaines, l’objectif premier était de faciliter le déplacement des troupes. Mais, assez rapidement, elles sont aussi devenues un moyen de développement économique.
Une autre caractéristique de la Via Appia est le côté impressionnant de son tracé rectiligne : 90 km de ligne droite, entre Rome et Terracine !
Après la chute de l’Empire Romain la voie Appienne tomba en désuétude ; au XVIIIe siècle le Pape Pie VI ordonna sa restauration et son utilisation.
De nombreux tronçons de la voie originale ont été préservés jusqu’à nos jours et certains d’entre eux qui ont été modernisés sont encore ouverts au trafic automobile, comme aux environs de la ville de Velletri.
Le long de la voie Appienne proche de Rome s’alignent de nombreuses tombes et les catacombes des premières communautés chrétiennes : catacombe de St Callixte et de St Sébastien. C’est sur cette voie qu’apparurent les premières bornes milliaires.
Le Forum d’Appius
Le Forum d’Appius est, à l’origine, une ancienne station de poste, sur la Via Appia, fondée sans doute par le constructeur de la route, Appius Claudius Caecus. La station est ensuite devenue une ville considérable jouissant de privilèges municipaux. Horace la mentionne comme l’arrêt habituel au soir du 1e jour de voyage au départ de Rome. C’était le point de départ d’un canal parallèle à la Via Appia, d’où la description d’Horace : une ville de batelier et d’aubergistes peu honnêtes.
Le témoignage de Pierre et Paul à la catacombe de St Sébastien
Sur le bord de la Via Appia, la route par laquelle Paul est arrivé à Rome, se trouve la catacombe de St Sébastien. Sur l’emplacement d’un cimetière païen, la catacombe a été rapidement utilisée par la communauté chrétienne.
En 258, lors de la persécution anti-chrétienne de Valérien les reliques de St Pierre et de St Paul ont été placées pendant un temps dans cette catacombe, appelée alors « Memoria Apostolorum ». Le culte des deux colonnes de l’Église s’est alors développé sur ce lieu. Des graffitis sur les murs l’attestent. Ce n’est que plus tard, sous l’empereur Constantin, que les reliques de Pierre et Paul ont trouvé leur place définitive dans les basiliques St Pierre du Vatican et St Paul hors les murs.