H.2. L’épître aux Philippiens
Les circonstances
Lorsque Paul écrit cette lettre, il est prisonnier. Timothée est auprès de lui.
Mais de quelle captivité s’agit-il ? L’Apôtre évoque le « prétoire » : « Dans tout le Prétoire et partout ailleurs, mes chaînes ont acquis, dans le Christ, une vraie notoriété » (Ph 1,13) Le prétoire est associé à la « garde prétorienne », chargée de veiller à la sûreté du palais impérial. Par ailleurs, Paul salue « spécialement ceux de la maison de César » (Ph 4,22), non pas les membres de la famille de l’Empereur, mais plutôt, peut-être, des fonctionnaires esclaves ou affranchis de la cour impériale. Ces indices font pencher pour la captivité romaine de la fin des Actes des Apôtres.
Mais ce n’est pas sûr… Le prétoire pourrait aussi être une garnison de la garde prétorienne en poste dans l’une des villes de l’Empire. Ou bien encore, les habitants du palais du gouverneur d’une ville importante. Voilà pourquoi certains pensent que cette lettre a été écrite bien plus tôt, par exemple lors d’une captivité à Éphèse (Paul avait fait allusion à une épreuve très dure dans cette ville). Une autre hypothèse serait la captivité de Césarée maritime, qui a duré 2 ans, dans le palais du gouverneur.
La communauté chrétienne de Philippes a été fondée par Paul lors de son « deuxième voyage missionnaire ». Elle a toujours été chère au cœur de l’Apôtre. De cette Église, seulement, Paul a accepté jadis une aide financière : « Quand je quittai la Macédoine, aucune Église ne m’assista par mode de contributions pécuniaires ; vous fûtes les seuls, vous qui, dès mon séjour à Thessalonique, m’avez envoyé, et par deux fois, ce dont j’avais besoin. » (Ph 4,15-16)
Cette générosité et cette affection des Philippiens se manifestent encore lors de la captivité de Paul : ils lui font parvenir des subsides par l’intermédiaire de l’un d’entre eux : Epaphrodite, que Paul appelle son frère et son collaborateur. Celui-ci est ensuite tombé malade, frôlant la mort. Les Philippiens ont appris cette nouvelle. Une fois Epaphrodite rétabli, Paul le renvoie à Philippes, sans doute porteur de la lettre, pour rassurer la communauté de la ville et la remercier.
La lettre
Cette lettre est l’une des plus affectueuses de celles que nous connaissons de Paul. Par exemple : « Dieu m’est témoin que je vous aime tous tendrement dans le cœur du Christ Jésus. » (Ph 1,8). Ou encore : « Ainsi donc, mes frères bien-aimés et tant désirés, ma joie et ma couronne, tenez bon de la sorte, dans le Seigneur, mes bien-aimés. » (Ph 4,1)
Cette lettre est aussi remplie d’une atmosphère de joie, qui dit bien le cœur de Paul. Les mots « joie » ou « réjouir » reviennent 14 fois dans la lettre. « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur, je le dis encore, réjouissez-vous. » (Ph 4,4)
Cette joie omniprésente résonne également avec l’épisode rapporté par Luc de l’arrestation de Paul et Silas, lors de l’évangélisation de Philippes, justement : les apôtres chantaient les louanges de Dieu, au milieu de la nuit, dans leur prison. (Ac 16,25)
Après les salutations et actions de grâces par lesquelles Paul commence souvent ses lettres, l’Apôtre donne quelques nouvelles : il est prisonnier, mais cette épreuve contribue plutôt à faire connaître le Christ, ce qui est le plus important, et qui le réjouit. C’est l’occasion pour Paul de nous livrer des paroles de feu qui habitent son cœur, et son combat intérieur. « Le Christ sera glorifié dans mon corps, soit que je vive soit que je meure. Pour moi, certes, la Vie c’est le Christ, et mourir représente un gain. Cependant, si la vie dans cette chair doit me permettre encore un fructueux travail, j’hésite à faire un choix… Je me sens pris dans cette alternative : d’une part, j’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ, ce qui serait, et de beaucoup, bien préférable ; mais de l’autre, demeurer dans la chair est plus urgent pour votre bien. Au fait, ceci me persuade : je sais que je vais rester et demeurer près de vous tous pour votre avancement et la joie de votre foi, afin que mon retour et ma présence parmi vous soient pour vous un nouveau sujet de fierté dans le Christ Jésus. » (Ph 1,20-26)
La contemplation de l’abaissement et de l’exaltation du Christ dans l’hymne que Paul cite ensuite (voir ci-contre), est l’occasion pour Paul d’exhorter encore les Philippiens à la sainteté dans la joie.
Paul donne ensuite des nouvelles de Timothée, qu’il espère leur envoyer, puis d’Epaphrodite, par qui il a reçu une aide matérielle de la part des Philippiens, et que Paul renvoie à Philippes après sa grave maladie.
Une mise en garde contre les Juifs ou les chrétiens judaïsants est encore pour Paul l’occasion de nous livrer ce qui habite son cœur, tout donné, tout tendu vers le Christ.
« Tous ces avantages dont j’étais pourvu (être Juif, Pharisien, …), je les ai considérés comme un désavantage, à cause du Christ. Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. À cause de lui j’ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ, et d’être trouvé en lui, […] le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d’entre les morts. Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d’avoir déjà saisi ; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus. (Ph 3,7-14)
Alors Paul peut inviter les Philippiens à l’imiter et à tenir bon dans la vie avec le Christ. La vie chrétienne authentique est simple, joyeuse, confiante en la bonté de Dieu, paisible, toute orientée, vers le Ciel : « Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d’où nous attendons ardemment, comme sauveur, le Seigneur Jésus Christ, qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire » (Ph 3,20-21)
La fin de la lettre est une série de recommandations, de remerciements et de salutations avec, encore, cette confidence de Paul montrant sa liberté face aux conditions extérieures de sa vie : « Je sais me priver comme je sais être à l’aise. En tout temps et de toutes manières, je me suis initié à la satiété comme à la faim, à l’abondance comme au dénuement. Je puis tout en Celui qui me rend fort. » (Ph 4,12-13)
H. Après le récit des Actes
« L’hymne aux Philippiens »
Au début du chapitre 2, Paul exhorte à la charité et à l’unité des cœurs. « Je vous en conjure par tout ce qu’il peut y avoir d’appel pressant dans le Christ, de persuasion dans l’Amour, de communion dans l’Esprit, de tendresse compatissante, mettez le comble à ma joie par l’accord de vos sentiments : ayez le même amour, une seule âme, un seul sentiment ; n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres. Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus : » (Ph 2,1-5) C’est alors que Paul écrit l’admirable hymne suivante. Il est probable que l’Apôtre cite ici un texte liturgique de la primitive Église, car l’hymne est rythmée, et ne saurait avoir été improvisée lors d’une dictée de lettre.
Lui, de condition divine,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’anéantit lui-même,
prenant condition d’esclave,
et devenant semblable aux hommes.
S’étant comporté comme un homme,
il s’humilia plus encore,
obéissant jusqu’à la mort,
et à la mort sur une croix !
Aussi Dieu l’a-t-il exalté
et lui a-t-il donné le Nom
qui est au-dessus de tout nom,
pour que tout, au nom de Jésus,
s’agenouille, au plus haut des cieux,
sur la terre et dans les enfers,
et que toute langue proclame,
de Jésus Christ, qu’il est Seigneur,
à la gloire de Dieu le Père.
(Ph 2,5-11)
Voici une version de cette hymne, chantée par les moines de l’abbaye Notre Dame de la Pierre qui vire.
Le Prétoire
Le prétoire (en latin prætorium, aussi écrit prœtorium ou pretorium) est étymologiquement l’endroit où se trouve le praetor (chef). Le mot peut être entendu sous divers sens :
Le Prétoire était à l’origine le nom du quartier général de la légion romaine. Le prétoire était en fait la tente du général en chef d’une armée. Il tire son nom directement des premiers temps de Rome où le consul qui commandait l’armée recevait le titre de « Prætor ». La tente de ce dernier se trouvait dans une fortification romaine, un castra ou castellum. Le préteur (« le chef ») était à l’origine le titre donné au fonctionnaire le plus haut gradé de la République romaine, mais il est devenu plus tard une position subalterne du grade de consul.
Sous la République, c’est dans le prétoire que se trouvaient les officiers et les licteurs chargés de protéger les consuls, ou un détachement protégeant le commandant du camp. La garde rapprochée du Général était connue sous le nom de cohors prætoriæ. Ces prétoriens sont à l’origine de la garde prétorienne de l’Empereur. Du temps d’Auguste, la tente de l’Empereur dans le camp s’appelait prætorium augustale.
C’était également la demeure du procurateur (gouverneur) d’une province, l’endroit par conséquent où il rendait justice. Il y avait un prétoire dans toutes les villes de l’Empire romain. On peut voir les restes d’un prétoire en France dans la ville de Nîmes en Languedoc. Par la suite, on étendit cette expression à tout palais de roi ou de prince.
(Source : Wikipédia)