D.6. De Bérée à Athènes
Bérée
Partis de nuit de Thessalonique, les apôtres parcourent 73 km avant d’arriver à Bérée, qui est une ville de vétérans romains et de commerçants.
C’est non loin de Bérée, à Aigéai, « que s’élevait le gigantesque palais des rois de Macédoine. On y a retrouvé la tombe de Philippe II, père d’Alexandre le Grand. Un coffret d’or renfermait le plus inouï des trésors : sa couronne formée de feuilles de chêne et de glands en or. » (L’avorton de Dieu – Alain Decaux). Paul n’est sans doute pas resté indifférent à cette région qui gardait mémoire du rayonnement prodigieux de la Grèce.
Pourquoi les Apôtres se rendent-ils à Bérée, en délaissant la Via Egnatia ? Peut-être parce que le projet de Paul est de passer en Thessalie : Une version des Actes dit qu’en partant de Bérée, Paul va à Athènes parce qu’il a été « empêché d’aller en Thessalie ».
Arrivés à Bérée, Paul et ses compagnons appliquent la même méthode que dans les voyages précédents : ils se rendent à la synagogue. Mais, cette fois, l’Évangile est bien accueilli. C’est la seule mention, dans les Actes, d’un bon accueil par les Juifs. Beaucoup d’entre eux se convertissent, ainsi que des Grecs, des hommes et des « dames de qualité » (on en avait trouvé déjà à Antioche de Pisidie et à Thessalonique). Parmi les convertis de la première évangélisation, il y a peut-être Sopatros, fils de Pyrrhus, que l’on retrouve avec Paul lors de son 3e voyage missionnaire (Ac 20,4).
Au bout d’un certain temps, impossible à estimer, les Juifs de Thessalonique, apprenant que Paul est à Bérée, viennent semer le trouble. Ces incidents obligent « les frères », les nouveaux chrétiens de Bérée, à faire partir Paul.
Sur les pas de Paul
Bérée
En arrivant ...
Voie romaine
Vieille ville de Véroia
Dans le quartier juif
La synagogue de Véroia
Mémoire du passage de Paul
Eglise byzantine de la Résurrection
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Bérée
Vue générale, vers le sud, du site de Bérée, dans Google Earth. La ville s'appelle maintenant Véroia. Au fond : le mont Olympe. -
Voie romaine
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Dans le quartier juif
Cette maison porte encore une inscription en hébreu de l’an 1619 -
La synagogue de Véroia
Elle a été restaurée après la 2e guerre mondiale, au cours de laquelle toute la population juive de la ville a été exterminée. -
Mémoire du passage de Paul
Dans un autre quartier de la ville se trouve un monument faisant mémoire du passage de Paul dans la ville. La mosaïque de gauche représente le songe de Troas par lequel Dieu a fait comprendre à Paul qu’il devait venir en Macédoine. L’autre mosaïque représente la prédication de Paul à Bérée. -
Eglise byzantine de la Résurrection
Athènes
La fuite de Paul de Bérée est organisée par des chrétiens de cette ville. « Les frères firent partir Paul en direction de la mer ; quant à Silas et Timothée, ils restèrent là. Ceux qui escortaient Paul le conduisirent jusqu’à Athènes » (Ac 17,14-15).
On peut imaginer que ce départ « en direction de la mer » avait pour but de trouver un navire qui conduirait Paul directement à Athènes. C’est peut-être au port de Pydna que Paul et ses compagnons s’embarquent.
De Bérée à Pydna, il faut compter 52 km.
Puis on peut évaluer le voyage maritime à environ 460 km, jusqu’au Pirée. Il ne reste alors plus que 6 km entre le port et Athènes.
À peine arrivés à Athènes, les compagnons de Paul repartent immédiatement pour Bérée, avec l’ordre pour Silas et Timothée de rejoindre Paul au plus vite.
En arrivant dans la capitale de la Grèce, Paul se rend compte de l’immensité du travail d’évangélisation. Luc nous dit que « son esprit s’exaspéra en lui-même, au spectacle de cette ville toute remplie d’idoles » (Ac 17,16). Paul reste un Juif, tout pétri de l’enseignement des prophètes sur l’absurdité et la vanité des idoles qui ne sont pas des dieux. On sent encore sa fierté de faire partie du peuple que Dieu a choisi pour se révéler.
Athènes, tout en étant sous le joug de Rome, a gardé son prestige de haut-lieu de la culture et de la pensée. Cicéron, Horace, Virgile, Ovide y sont venus. On vient « étudier à l’Académie, au Lycée, au Jardin, au Portique » (Alain Decaux). Mais l’Athènes des premières représentations théâtrales connues et des philosophes semble en déclin, si l’on en juge par le regard que porte St Luc sur la vie intellectuelle de la ville : « Tous les Athéniens, en effet, et les étrangers qui résidaient parmi eux, n’avaient d’autre passe-temps que de dire ou écouter les dernières nouveautés. » (Ac 17,20)
Pendant un certain temps, Paul arpente Athènes. Il s’entretient avec les Juifs, à la synagogue, et va également tous les jours sur l’Agora, discuter avec les passants, les philosophes épicuriens et stoïciens.
Un jour, ces philosophes le prennent avec lui et le mènent à l’Aréopage, à l’écart du bruit, pour entendre cette nouvelle étrange qu’annonce avec persévérance cet homme, Paul, qui semble insignifiant.
Paul commence son discours à partir de ce qu’il a vu dans la ville : l’autel dédié « au dieu inconnu ». On voit l’effort de bienveillance de Paul, qui était échauffé intérieurement par l’abondance des idoles en cette ville (Ac 17,16). On y voit aussi son sens de la pédagogie : Ce dieu inconnu, c’est justement lui que Paul vient annoncer. Il est créateur de l’univers, au-delà de toute représentation, principe de vie, de mouvement et d’être. Les hommes ont été créés pour rechercher Dieu et le trouver. Or Dieu a décidé de faire savoir à tous les hommes qu’ils doivent se repentir, en vue du jugement qu’il a remis à un homme qu’il a ressuscité des morts.
C’est l’échec. « À ces mots de résurrection des morts, les uns se moquaient, les autres disaient : « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. » C’est ainsi que Paul se retira du milieu d’eux. » (Ac 17,32-33). Paul ne restera pas plus à Athènes. St Luc s’empresse de souligner quand même qu’il y a quelques conversions : « Quelques hommes cependant s’attachèrent à lui et embrassèrent la foi. Denys l’Aréopagite fut du nombre. Il y eut aussi une femme nommée Damaris, et d’autres avec eux. » (Ac 17,34)
Lorsque, de Corinthe, Paul écrira aux Thessaloniciens, il ajoutera quelques détails que St Luc ne nous rapporte pas sur le séjour à Athènes. On apprend d’abord que Silas et Timothée ont rejoint Paul à Athènes. Mais Paul est soucieux des Églises de Macédoine, qu’il a dû quitter à cause des persécutions. Il aimerait les visiter pour les affermir.
1 Th 2, 17-18 : « Et nous, frères, privés de votre compagnie pour un moment, de visage mais non de cœur, nous nous sommes sentis extrêmement pressés de revoir votre visage, tant notre désir était vif. Nous avons donc voulu venir jusqu’à vous – moi-même, Paul, à plusieurs reprises –, mais Satan nous en a empêchés ».
On ne connaît pas ces empêchements. Mais du coup, Paul envoie ses collaborateurs.
1 Th 3, 1-2 : « N‘y tenant plus, nous avons pris le parti de demeurer seuls à Athènes, et nous avons envoyé Timothée, notre frère et le collaborateur de Dieu dans l’Évangile du Christ, pour vous affermir et réconforter dans votre foi. »
Timothée est donc parti pour Thessalonique, comme en témoigne la lettre, et Silas, peut-être, à Philippes. C’est sans doute pendant cette période où Paul est seul à Athènes qu’il faut placer la rencontre de l’aréopage.
Silas et Timothée rejoignent ensuite Paul directement à Corinthe, comme l’écrit Luc dans les Actes (Ac 18,5 ; 1 Th 3,6).
Sur les pas de Paul
Reconstitution de ce que pouvait être la même ville, dans l’antiquité, au 2e siècle, plus précisément.
Aujourd’hui comme hier, c’est l’Acropole, bien sûr, qui attire d’abord le regard. Ce mot « acropole » signifie « ville élevée ». C’est la partie élevée de la ville, fortifiée comme une citadelle. C’est aussi la partie de la ville où se trouvent les temples les plus importants. (photo : Christophe Meneboeuf)
Ci-dessous, une magnifique reconstitution 3D de l’Acropole :3
Les Propylées
Le Parthénon
L’Érechthéion
Le théâtre de Dionysos
L’Odéon d’Hérode Atticus
L'Aréopage
L’Acropole, vue de l’Aréopage.
Agora
Le temple d’Héphaïstos
L'Agora romaine
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Les Propylées
148 m au-dessus de la plaine, en haut d’un grand escalier, on entre sur l’Acropole par une porte unique et majestueuse : les Propylées. -
Le Parthénon
Le temple le plus important est le Parthénon, bâti au 5e siècle avant JC. Il abritait la statue colossale de la déesse Athéna, protectrice de la cité et déesse de la guerre et de la sagesse. Voici la façade actuelle du Parthénon, et une reconstitution grandeur nature, aux États-Unis, du temple et de la statue d’Athéna. -
Le théâtre de Dionysos
Daté du 5e siècle avant JC, il contenait 17.000 places. -
L’Odéon d’Hérode Atticus
Un peu plus loin, toujours adossé à l’Acropole, l’Odéon d’Hérode Atticus, que Paul n’a pas connu puisqu’il est du 2e siècle de notre ère. -
L’Acropole, vue de l’Aréopage.
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Agora
Paul est-il monté sur cette colline de l’Aréopage pour parler devant l’institution portant le même nom ? C’est possible, mais pas certain. Car à l’époque de Paul, le conseil de l’Aréopage se réunissait habituellement sous le portique royal, en bordure de l’Agora, en contrebas de la colline. C’est cette Agora, centre de la vie de la cité d’Athènes, que fréquentait quotidiennement Paul, au témoignage de St Luc. -
Le temple d’Héphaïstos
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L'Agora romaine
Il fort possible que Paul ait aussi fréquenté l’Agora romaine, construite d’abord par l’empereur Auguste (voir la reconstitution d’Athènes, plus haut).
D. 2e voyage missionnaire
L’Aréopage
L’Aréopage avait un pouvoir judiciaire à Athènes lors de la démocratie (-500 à -300). Originellement, l’Aréopage était un conseil puissant, composé des citoyens ayant rempli avec le plus de brio les magistratures les plus importantes. Cependant, une réforme de – 461 limita très fortement son pouvoir en le circonscrivant au domaine judiciaire (on parla alors du tribunal de l’Aréopage). Toutefois, de temps à autre, il pouvait retrouver son rôle de conseil, mais simplement sur un plan moral. Il n’est pas étonnant que, dans les débats politiques sur le meilleur gouvernement qui fleurissent dès la fin du 5e siècle avant JC, de nombreux auteurs opposés à la démocratie pure (Platon, Thucydide, Aristote) aient voulu valoriser le rôle de cette institution plutôt oligarchique. L’Aréopage siégeait la nuit : on n’y permettait aucun artifice oratoire pour émouvoir ou attendrir les juges.
(Source : Wikipedia)
On trouvera ici une présentation de l’histoire d’Athènes :
Le discours de Paul à l’Aréopage
« Athéniens, à tous égards vous êtes, je le vois, les plus religieux des hommes. Parcourant en effet votre ville et considérant vos monuments sacrés, j’ai trouvé jusqu’à un autel avec l’inscription : au dieu inconnu. Eh bien ! Ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer. Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, lui, le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits de main d’homme. Il n’est pas non plus servi par des mains humaines, comme s’il avait besoin de quoi que ce soit, lui qui donne à tous vie, souffle et toutes choses. Si d’un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu’il habite sur toute la face de la terre ; s’il a fixé des temps déterminés et les limites de l’habitat des hommes, c’était afin qu’ils cherchent la divinité pour l’atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver ; aussi bien n’est-elle pas loin de chacun de nous. C’est en elle en effet que nous avons la vie, le mouvement et l’être. Ainsi d’ailleurs l’ont dit certains des vôtres : Car nous sommes aussi de sa race.
Que si nous sommes de la race de Dieu, nous ne devons pas penser que la divinité soit semblable à de l’or, de l’argent ou de la pierre, travaillés par l’art et le génie de l’homme. Or voici que, fermant les yeux sur les temps de l’ignorance, Dieu fait maintenant savoir aux hommes d’avoir tous et partout à se repentir, parce qu’il a fixé un jour pour juger l’univers avec justice, par un homme qu’il y a destiné, offrant à tous une garantie en le ressuscitant des morts. »
A ces mots de résurrection des morts, les uns se moquaient, les autres disaient : « Nous t’entendrons là-dessus une autre fois. »
(Ac 17,22-32)
Le « dieu inconnu »
Agnostos Theos (« le dieu inconnu ») était une divinité adorée par les grecs anciens, en supplément des douze dieux principaux et d’innombrables divinités mineures.
À Athènes, il y avait un temple dédié spécialement à ce dieu et de nombreux Athéniens juraient « par le nom du dieu inconnu » (Νή τόν Άγνωστον). Apollodore, Philostrate et Pausanias écrivirent à propos de ce « Agnostos Theos ». Ce dieu inconnu n’était pas une divinité spécifique, mais une marque substitutive, pour n’importe quel dieu ou divinité qui existait à l’époque mais dont le nom et la nature n’avaient pas été révélés aux Athéniens et au monde grec en général.
C’est à Épiménide que l’on accorde la création de cet autel au dieu inconnu, six centaines d’années avant l’épisode de l’Aréopage. D’après l’histoire contée par Diogène Laërce, Athènes fut prise dans une épidémie de peste et désespérait de pouvoir apaiser les dieux avec les sacrifices appropriés. Alors Épiménide rassembla un troupeau de moutons à l’Aréopage et les libéra. Les moutons s’éparpillèrent dans Athènes et sur les collines aux alentours. Épiménide suggéra que, en quelque endroit qu’un mouton s’arrêterait et s’allongerait, un sacrifice soit fait en l’honneur du dieu du lieu. Ainsi de nombreux jardins et bâtiments d’Athènes furent associés à des dieux et à des déesses spécifiques, lieux où un autel approprié fut construit et un sacrifice fait. Néanmoins, le dernier mouton ne guida pas les Athéniens vers un lieu associé à une divinité. Alors un autel y fut construit, qui ne porta aucun nom de dieu particulier.
La familiarité de l’apôtre Paul avec Épiménide est démontrée par la référence au « paradoxe d’Épiménide », dans l’épître à Tite 1,12.
(Source : Wikipedia)