D.2. D’Antioche de Pisidie à Troas

Paul conduit par l’Esprit Saint

Ils parcoururent la Phrygie et le territoire galate, le Saint Esprit les ayant empêchés d’annoncer la parole en Asie. Parvenus aux confins de la Mysie, ils tentèrent d’entrer en Bithynie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils traversèrent donc la Mysie et descendirent à Troas. (Ac 16,6-8)

Ces quelques lignes des Actes des Apôtres ne manquent pas d’intérêt, non seulement par les précisions géographiques, mais surtout par cette mystérieuse mention de l’intervention de l’Esprit Saint en personne. Que s’est-il donc passé ? Les verbes appliqués à l’Esprit Saint sont forts : empêcher, ne pas permettre. De leur côté, les Apôtres « tentent » de pénétrer en Bithynie. Ces éléments semblent indiquer que des événements extérieurs, indépendants de la volonté de Paul et de ses compagnons, sont venus bouleverser leurs plans.

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(Source : Antikforever)

À Antioche de Pisidie, Paul voulait sans doute initialement rejoindre la ville d’Éphèse, l’une des plus grandes de l’empire romain, capitale de la province romaine d’Asie. Cette province regroupait alors la Mysie, l’Ionie, la Carie, la Lydie et la Phrygie.

Or voilà qu’un événement rend ce projet impossible. Paul comprend alors que la Providence de Dieu parle à travers cet empêchement. Docile à l’Esprit Saint qui conduit sa mission, Paul décide de partir vers le nord. Il ira donc vers la Bithynie, dont la grande ville prospère est Nicomédie.

Mais voilà qu’au moment d’y entrer, une autre difficulté surgit. Une nouvelle fois, c’est encore l’intervention providentielle de Dieu qui est soulignée, et aussi la docilité de Paul à l’Esprit : le chemin du nord est fermé ? On ira à l’ouest, vers Troas, tout près de l’ancienne cité de Troie. Et c’est bien Dieu qui dirige sa route. La confirmation viendra d’ailleurs à Troas, sur le bord de la mer Égée.

 

Sur les pas de Paul

Il est bien sûr impossible de reconstituer la route prise par Paul et ses compagnons. Ils ont traversé une bonne partie de la Turquie actuelle. Aujourd’hui, la route la plus courte entre Konya et Troas fait 622 km. Il est certain que nos missionnaires ont parcouru une distance bien plus grande.

Ci-dessous quelques photos prises au hasard. Peut-être des paysages que Paul a contemplés lors de cette longue route.

 

Paul à Troas

Après la traversée des hauts plateaux et la longue descente par les vallées de Mysie, Paul rejoint l’entrée du détroit d’Hellespont (appelé aujourd’hui Dardanelles), au bord de la mer Égée.

Là se trouvait dans les siècles passés la fameuse cité de Troie, dont Homère rapporte la chute. À quelques kilomètres se trouve la cité d’Alexandrie Troas, qui est le principal port méditerranéen du nord de l’Asie mineure.

 Quelques vues filmées de l’antique Troas.

 

La durée de ce voyage, depuis Antioche de Pisidie jusqu’à Troas, est impossible à évaluer. À chaque étape, Paul a pu rester un certain temps. Il ne faut pas oublier aussi qu’en hiver, la traversée des hauts plateaux est difficile, et parfois impossible.

La région « phrygio-galatique »
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La Phrygie (source : Antikforever)

Le royaume phrygien, à son apogée, s’étendait de la mer noire à la limite de la Pamphylie. Mais il a cessé d’exister en 103 av. JC, partagé et rattaché par les romains à diverses provinces. Lorsque Paul parle de la Phrygie, désigne-t-il cette grande étendue passée, ou bien la toute petite portion incluse dans la province d’Asie ?

Le pays des galates est lui aussi source d’interrogation. Il peut s’agir soit de la région nord dont l’actuelle ville d’Ankara serait le centre. Il peut aussi s’agir de la région, plus étendue, peuplée de cette antique tribu gauloise (galate) qui avait envahi les hauts plateaux du centre de l’actuelle Turquie. Les « Galates du sud » seraient alors les habitants d’Antioche de Pisidie et Iconium. On retrouvera ce questionnement lorsque Paul écrira « aux Galates ».

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La Galatie

Alexandrie de Troas

Alexandrie de Troade est fondée sur le site d’une ancienne bourgade, Sigée, et dotée d’un port artificiel en 310 av. J.-C. par le diadoque Antigonos Monophtalmos. Elle se nommait dans un premier temps Antigoneia et regroupait le territoire de neuf autres bourgs ou cités car Antigonos souhaitait disposer d’une puissante cité commerciale à l’entrée de l’Hellespont. Les premiers habitants furent des populations paysannes déplacées de force par Antigonos des anciennes localités vers la nouvelle cité.

Quand Lysimaque, un autre diadoque remplace Antigonos, il donne à Antigoneia son nom définitif d’Alexandrie en l’honneur d’Alexandre le Grand. Alexandrie connaît un fort développement à son époque.

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Tétradrachme en argent d’Alexandrie de Troade, vers 107-95 av. J.-C. Tête d’Apollon avec lauriers

Plus tard, Alexandrie fait partie du royaume de Pergame puis, à partir de 130 av. J.-C., de la province romaine d’Asie. À l’époque romaine, la cité est le principal port sur la mer Égée du nord de l’Asie Mineure. Les empereurs Auguste et Hadrien ainsi que le mécène Hérode Atticus contribuèrent à sa restauration et son embellissement.

(Source : Wikipedia)

Alexandrie « de Troade » rappelle que tout près de là se trouve la mythologique Troie. C’est peut-être cette proximité qui a poussé les Romains à faire de Troas une ville libre (Troie est la ville-mère de Rome).

Plus tard, Constantin hésitera à en faire sa capitale. Il choisira finalement Byzance, qui deviendra Constantinople.

La docilité au Saint Esprit

Ce passage des Actes des Apôtres, comme bien d’autres, veut montrer combien Paul est docile au Saint Esprit. Cette docilité n’est pas à comprendre comme un asservissement à un dieu capricieux, mais au contraire comme un très haut degré de liberté. L’amour que Paul porte au Christ le rend attentif, tant aux événements extérieurs par lesquels Dieu lui parle, qu’aux motions intérieurs qui jaillissent au cœur de sa prière pour l’éclairer et le conduire.

Paul est aussi rempli de confiance en Jésus, qui a livré sa vie pour lui et est venu le rejoindre sur le chemin de Damas. Jésus sait où il conduit Paul, et celui-ci peut paisiblement s’abandonner à son Esprit.

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Mosaïque représentant le Saint Esprit sous la forme d’une colombe