D.5. De Philippes à Thessalonique
Amphipolis
Quittant Philippes, Paul, Silas et Timothée empruntent la Via Egnatia, qui contourne le massif de Pangaion par le nord (contrairement à la route proposée par Google Earth ci-dessous), et arrivent à la ville d’Amphipolis, 60 km plus loin.
Le nom « Amphipolis » veut dire « autour de la ville » car la rivière Strymon tourne autour de la colline où est bâtie la ville, avant de se jeter dans la mer.
La ville est située sur un site stratégique contrôlant la Via Egnatia, et donc tout le transport qui s’y fait, or, argent et bois, entre autres.
Le site d’Amphipolis dans Google Earth
Murailles d’époque hellénistique
Le « lion d’Amphipolis »
Ruines d'Amphipolis
Fresques d'une maison
Vue vers le Sud
-
Le site d’Amphipolis dans Google Earth
La vue est en direction du sud-est, donc vers la mer. -
Murailles d’époque hellénistique
Au pied de la colline se trouvent encore les restes imposants des murailles de la ville, d’époque hellénistique. -
Le « lion d’Amphipolis »
Le fameux « lion d’Amphipolis », sur les pentes de la colline. Cette statue du 4e siècle marque peut-être la tombe d’un des généraux d’Alexandre le Grand. -
Fresques d'une maison
On garde encore un mur orné de fresques d’une maison où (qui sait ?) Paul et ses compagnons ont pu passer la nuit. -
Vue vers le Sud
La vue vers le sud découvre le Strymon se jetant dans la mer.
Apollonie
Paul et ses compagnons ne font que passer à Amphipolis. Dès le lendemain, les voici de nouveau sur la Via Egnatia, pour couvrir les 46 km qui les séparent d’Apollonie.
Comme Amphipolis, cette cité ne comporte pas de communauté juive. Ainsi, les missionnaires se contentent d’y faire étape.
Comme Amphipolis, cette cité ne comporte pas de communauté juive. Ainsi, les missionnaires se contentent d’y faire étape.
De cette cité, il ne reste que quelques bases de murs, au milieu des champs.
Thessalonique
Le voyage par la Via Egnatia reprend. 64 km plus loin, voici la grande ville de Thessalonique, où, écrit St Luc, « les Juifs avaient une synagogue » (Ac 17,1).
À l’époque de Paul, la ville de Thessalonique compte environ 200.000 habitants. C’est la plus grande cité de Macédoine.
L’habitude de Paul est d’aller en premier à la synagogue. Ici, il s’y rend « trois sabbats de suite » (Ac 17,2), commentant les Écritures, établissant que le Christ devait souffrir et ressusciter.
« Quelques-uns d’entre eux se laissèrent convaincre et furent gagnés à Paul et à Silas, ainsi qu’une multitude d’adorateurs de Dieu et de Grecs et bon nombre de dames de qualité. » (Ac 17,4)
Comme auparavant, les Juifs qui accueillent le Christ sont peu nombreux. Par contre, les conversions sont très nombreuses parmi grecs. Contrairement à Antioche de Pisidie, on compte beaucoup de femmes de haut rang parmi les nouveaux croyants.
Il est intéressant de voir la relecture que Paul lui-même fait de cette évangélisation de Thessalonique. On a la chance d’en avoir un aperçu dans sa première lettre écrite quelques mois plus tard, de Corinthe, aux chrétiens de Thessalonique. (Voir dans la colonne de droite).
« Mais les Juifs, pris de jalousie, ramassèrent sur la place quelques mauvais sujets, provoquèrent des attroupements et répandirent le tumulte dans la ville. Ils se présentèrent alors à la maison de Jason, cherchant Paul et Silas pour les produire devant l’assemblée du peuple. Ne les ayant pas trouvés, ils traînèrent Jason et quelques frères devant les politarques en criant : « Ces gens qui ont révolutionné le monde entier, les voilà maintenant ici, et Jason les reçoit chez lui. Tous ces gens-là contreviennent aux édits de César en affirmant qu’il y a un autre roi, Jésus. » (Ac 17,5-7)
Ce Jason fait sans doute partie des premiers convertis de la ville, puisqu’il est traîné devant les « politarques » (titre des magistrats des villes macédoniennes) avec « quelques frères ».
On est étonné d’entendre dans la bouche des adversaires de Paul que « ces gens ont révolutionné le monde entier ». Comme si la nouvelle des missions antérieures avait précédé Paul à Thessalonique. Il faut sans doute y voir une composition de St Luc, qui garde l’intention de montrer comment Paul annonce l’Évangile de Jérusalem jusqu’à Rome.
Par contre, la dernière phrase nous fait penser à l’acte d’accusation de Jésus lui-même (Lc 23,2). Comme pour Jésus, la fureur des Juifs porte sur un point théologique, ce que l’autorité romaine ne peut comprendre. Ce point est alors présenté sous un aspect politique, ce qui ne peut qu’inquiéter le représentant de l’Empereur.
« Par ces clameurs, ils mirent en émoi la foule et les politarques, qui exigèrent une caution de la part de Jason et des autres avant de les relâcher. » (Ac 17,8-9)
« Les frères firent aussitôt partir de nuit Paul et Silas pour Bérée » (Ac 17,10).
Timothée n’est pas nommé. Il n’est mentionné qu’au passage de Paul à Bérée, où il est dit que Timothée le suivit. Il est donc impossible de savoir s’il reste en arrière, puis rejoint Paul et Silas à Bérée, ou bien s’il est avec eux lorsqu’ils partent de nuit pour cette ville.
Notons aussi que parmi les convertis de Thessalonique, il y a sans doute Aristarque et Secundus. Aristarque est un proche de Paul. On le retrouve à ses côtés, à Éphèse, sur le chemin de Rome, et à Rome même, en prison (Ac 19,29 ; 20,4 ; 27,2 ; Col 4,10).
Sur les pas de Paul
Thessalonique
L’agora
Odéon du 3e siècle
Le sauna
Les murs d’enceinte de la ville
L’arc de triomphe de Galère
La rotonde
La tour blanche
La cathédrale Saint Démétrios
La Théotokos Acheiropoiétos
Agia Sophia
Agioi Apostoloi
Panagia Chalkeon
Agios Paulos
-
L’agora
L’agora mesure environ 65 m x 100 m. Les constructions datent du 1e au 3e siècle de notre ère. -
Odéon du 3e siècle
Un odéon est un petit théâtre couvert. -
Le sauna
-
Les murs d’enceinte de la ville
Ceux-ci ont été construits d’abord vers 315 avant JC, puis renforcés par l’empereur Constantin, puis de nouveau par les Byzantins. Enfin, les turcs ont rajouté les tours. Les remparts mesuraient initialement plus de 8 km de long. Après le démantèlement opéré par les Turcs au 19e siècle, il en reste environ la moitié. -
L’arc de triomphe de Galère
Au début du 4e siècle, au temps de la Tétrarchie, Thessalonique était l’une des quatre capitales de l’empire romain, siège de Galère. Celui-ci était violemment anti-chrétien. Ci-contre, l’arc de triomphe de Galère représentant ses victoires militaires, et les restes du palais qu’il s’est fait construire. -
La rotonde
Galère se fit construire cette rotonde pour être son mausolée, mais elle ne le fut jamais. Elle devint plus tard l’église St Georges. -
La tour blanche
Sur le front de mer, l’emblème actuel de la ville : la tour blanche, construite en 1530, sur des fondations plus anciennes. -
La cathédrale Saint Démétrios
La ville contient beaucoup d’églises, de toutes époques. Nous allons prendre le temps d’en visiter plusieurs, en commençant, bien sûr, par la cathédrale St Démétrios. Elle fait partie des plus anciennes églises de la ville et conserve la châsse contenant les reliques du martyr auquel elle est dédiée. La cathédrale a été initialement construite peu après 463, puis reconstruite au 7e siècle et à nouveau en 1948. Elle est située au nord de l’agora, à l’endroit où Démétrios, jeune soldat romain, a été emprisonné, torturé et brûlé en 305. -
La Théotokos Acheiropoiétos
Cette église est située à l’est de l’agora antique. Elle fut construite après le concile d’Éphèse (431) qui condamna comme hérétique l’évêque Nestorius, ce dernier refusant d’accorder à la Vierge le titre de Théotokos (Mère de Dieu). Pour affirmer la victoire de l’orthodoxie, on érigea dans tout l’Empire de nombreuses églises dédiées à la Vierge Théotokos. L’église reçut le nom d’Acheiropoiètos (c’est-à-dire « qui n’est pas fait de main d’homme »), en raison d’une icône de la Vierge qui y était conservée et qui, selon la légende, était descendue du ciel. -
Agioi Apostoloi
L’église Agioi Apostoloi, c'est à dire église des Apôtres. -
Panagia Chalkeon
L’église Panagia Chalkeon (Notre Dame des chaudronniers) a été édifiée en 1028, sans doute sur l’emplacement d’un sanctuaire païen dédié à Héphaïstos, le dieu du feu et des métaux. -
Agios Paulos
Ci-contre, la grande église Agios Paulos, beaucoup plus récente, dans le quartier du même nom. Sur les hauteurs de la ville, elle rappelle à tous l’arrivée de l’Évangile porté par le grand Apôtre.
Voici enfin une reconstitution 3D du complexe de palais de Galère.
D. 2e voyage missionnaire
Histoire de Thessalonique
Thessalonique a été fondée en 315 av. JC, par le roi Cassandre de Macédoine, qui lui donna le nom de sa femme Thessalonikeia, une demi-sœur d’Alexandre le Grand. Son nom évoque une victoire militaire de son père : « la victoire (nikè) en Thessalie ». La ville a continué à se développer jusqu’à la victoire de Rome sur Persée, le dernier roi de Macédoine, en 168 av. JC.
Rome divise l’ancien royaume en quatre districts indépendants « libres », puis, en 146 av. JC, l’établit comme province, avec Thessalonique pour capitale.
À l’époque de Paul, la ville avait une population d’environ 200.000 habitants, ce qui en fait la plus grande ville de Macédoine. Son port est le plus important de Grèce, après celui du Pirée, près d’Athènes.
Thessalonique est situé dans un amphithéâtre naturel, sur les pentes des monts Kortiates, au fond du golfe Thermaïque. Thessalonique était un centre de commerce et de communication importante à la jonction de la Via Egnatia et de la route au nord du Danube.
Lorsque la vue n’est pas obscurcie par la brume, on voit très bien le mont Olympe de l’autre côté de la baie, à 80 km à vol d’oiseau. Les grecs en avaient fait la résidence des dieux.
Relecture de l’évangélisation de Thessalonique par Paul lui-même
Quelques mois après l’évangélisation de la capitale de la Macédoine, Paul se trouve à Corinthe. Ayant reçu des nouvelles des chrétiens de Thessalonique, il décide d’écrire une lettre, la plus ancienne des épîtres connues de St Paul, la 1e lettre aux Thessaloniciens. Plusieurs passages témoignent de ce moment de la première évangélisation :
- 2,2 : « Nous avions, vous le savez, enduré à Philippes des souffrances et des insultes, mais notre Dieu nous a accordé de prêcher en toute hardiesse devant vous l’Évangile de Dieu, au milieu d’une lutte pénible ». Allusion à l’arrestation, la flagellation et l’emprisonnement dans le cachot de Philippes.
- 1,5 : « Notre Évangile ne s’est pas présenté à vous en paroles seulement, mais en puissance, dans l’action de l’Esprit Saint, en surabondance ». Cette mention des charismes, dons de l’Esprit, souligne leur importance dans l’évangélisation.
- 1,6 : « Vous vous êtes mis à nous imiter, nous et le Seigneur, en accueillant la parole, parmi bien des tribulations, avec la joie de l’Esprit Saint ». L’accueil de la Bonne Nouvelle ne s’est pas faite sans épreuves. C’est peut-être une allusion à la prise à partie de Jason, mais sans doute aussi à d’autres difficultés et contradictions que St Luc ne nous rapporte pas dans les Actes. Notons aussi comment la joie était pourtant là dans les cœurs.
- 2,14 : « Vous vous êtes mis, frères, à imiter les Églises de Dieu dans le Christ Jésus qui sont en Judée. Vous avez souffert de la part de vos compatriotes les mêmes traitements qu’ils ont soufferts de la part des Juifs ». Là encore, Paul confirme le récit des Actes. Partout, un nombre de Juifs accueille l’Évangile, tandis que d’autres suscitent de violentes oppositions.
- 1,7-9 : « Vous êtes ainsi devenus un modèle pour tous les croyants de Macédoine et d’Achaïe. De chez vous, en effet, la parole du Seigneur a retenti, et pas seulement en Macédoine et en Achaïe, mais de tous côtés votre foi en Dieu s’est répandue, si bien que nous n’avons plus besoin d’en rien dire. On raconte là-bas comment nous sommes venus chez vous, et comment vous vous êtes tournés vers Dieu, abandonnant les idoles pour servir le Dieu vivant et véritable ». Un beau témoignage de première main du rayonnement de l’Évangile.
- 2,5-12 reflète l’attitude habituelle de Paul dans la mission. C’est vrai de la mission à Thessalonique, mais aussi du reste de la vie de Paul. Ces lignes sont de très grande importance car elle montre sa sainteté personnelle :
« Jamais non plus nous n’avons eu un mot de flatterie, vous le savez, ni une arrière-pensée de cupidité, Dieu en est témoin ; ni recherché la gloire humaine, pas plus chez vous que chez d’autres, alors que nous pouvions, étant apôtres du Christ, vous faire sentir tout notre poids. Au contraire, nous nous sommes faits tout aimables au milieu de vous. Comme une mère nourrit ses enfants et les entoure de soins, telle était notre tendresse pour vous que nous aurions voulu vous livrer, en même temps que l’Évangile de Dieu, notre propre vie, tant vous nous étiez devenus chers. Vous vous souvenez, frères, de nos labeurs et fatigues : de nuit comme de jour, nous travaillions, pour n’être à la charge d’aucun de vous, tandis que nous vous annoncions l’Évangile de Dieu ! Vous êtes témoins, et Dieu l’est aussi, combien notre attitude envers vous, les croyants, a été sainte, juste, sans reproche. Comme un père pour ses enfants, vous le savez, nous vous avons, chacun de vous, exhortés, encouragés, adjurés de mener une vie digne de Dieu qui vous appelle à son Royaume et à sa gloire.».
Au passage, on note que Paul continue à travailler jour et nuit pour être financièrement indépendant. Soulignons aussi les belles qualités d’amour autant paternel que maternel que montre St Paul, et qui laisse entrevoir la richesse de cœur de l’Apôtre.
- Philippiens 4,15-16 : « Vous le savez vous-mêmes, Philippiens : dans les débuts de l’Évangile, quand je quittai la Macédoine, aucune Église ne m’assista par mode de contributions pécuniaires ; vous fûtes les seuls, vous qui, dès mon séjour à Thessalonique, m’avez envoyé, et par deux fois, ce dont j’avais besoin. » Cette lettre aux Philippiens, écrite bien plus tard, rappelle le principe de Paul de subvenir à ses besoins par son travail, et aussi la seule exception qu’il a faite à ce principe. Cela montre aussi le lien tout particulier de Paul avec la communauté de Philippes, ainsi que la longueur du séjour de Paul à Thessalonique : pour que les Philippiens puissent l’aider matériellement « par deux fois », il faut que Paul soit resté plus longtemps que les « trois sabbats » mentionnés par Luc.