B.4. Vers Antioche de Pisidie
Un long voyage
St Luc ne s’embarrasse pas de nous décrire ce qui, en réalité, est un long voyage : 190 km pour une dénivellation de 1100 m. Ce voyage se fait par la voie romaine Via Sébaste, qui fait passer de la Méditerranée aux plateaux d’Asie mineure. Cela représente 7 jours de marche, dans un pays rempli de bandits de grand chemin. On y longe plusieurs lacs.
Si l’on reprend cette route en voiture, voici quelques paysages que Paul et Barnabé ont pu successivement parcourir.
Nous arrivons maintenant à Antioche de Pisidie.
B. 1er voyage missionnaire
Les voyages terrestres
Comme pour les voyages maritimes, nous renvoyons au livre de Chantal Reynier : « Saint Paul sur les routes du monde romain » (éditions Cerf-Mediapaul). Tout ce qui suit en est tiré.
Conditions de voyage
Lorsque Paul doit se déplacer par voie terrestre, il est sans doute à pied. Le cheval est certainement trop cher, ainsi que les chariots et autres calèches. Pour transporter les bagages, le mulet ou l’âne a pu être un moyen employé.
Sur les voies romaines, qui permettent de sillonner l’empire, on croise toute sorte de gens : des marchands, des soldats, des fonctionnaires impériaux, des courriers de la poste impériale, des pèlerins se rendant dans tel ou tel sanctuaire, des transports de marchandise, des nomades, … des brigands.
Les routes sont des chefs-d’œuvre de la technicité romaine, mais sont plus ou moins bien entretenues. Elles peuvent aussi être sujettes aux inondations ou glissements de terrain.
« La poussière, qu’elle soit soulevée dans un tunnel ou le long d’une route fréquentée, cause du désagrément à tous les voyageurs ; seul le bain peut y apporter quelque soulagement. À d’autres moments, la pluie n’est pas plus enviable. Dans certaines contrées de l’Asie Mineure, c’est la neige et le froid qui rendent pénible le voyage. En route, comme en mer, le problème majeur est celui de l’eau potable » (St Paul sur les routes du monde romain, p.61).
Dans les contrées retirées, les dangers des bêtes sauvages et des brigands sont réels. Apulée cite le cas d’un jardinier, se rendant dans une ville voisine, se faisant voler son âne par un soldat voulant l’utiliser pour faire porter son paquetage. Paul fera allusion à ces rencontres dangereuses (2 Co 11,26).
À cela il faut ajouter le danger de s’égarer, car, bien sûr, les panneaux de signalisation n’existent pratiquement pas, et les indications de distances sont rares.
Sur de grandes distances, parcourues en plusieurs jours, il est nécessaire d’emporter un bagage, souvent encombrant : provisions de route, vêtements, bonnet, chapeau, manteau…
Conditions d’accueil
Lors d’une étape, il existe trois façons de passer la nuit : dans une auberge, chez un hôte, à la belle étoile (ou sous les portiques).
« Il existe aussi des restaurants appelés tabernae qui fournissent des montures aux courriers officiels ou en louent aux simples voyageurs. La table y est frugale, mais elle a le mérite d’exister. C’est dans un de ces établissements, désigné précisément sous le terme de Tres Tabernae (Trois-Tavernes) que Paul fait étape sur la route vers Rome (Ac 28,15). Lors de ses nombreux voyages, Paul n’a sans doute pas toujours mangé à sa faim (2 Co 11,27).
Même si l’activité hôtelière est contrôlée et réglementée, les aubergistes sont considérés comme des personnages douteux. Les serveuses vivent aussi de leurs charmes. Il n’est pas rare que des disputes éclatent. Des voyageurs sont toujours prêts à dévaliser les autres. On s’entasse à plusieurs dans une chambre. Les moustiques et les grenouilles troublent le sommeil » (Ibid p.65). Parfois, il vaut mieux dormir à la belle étoile, enveloppé dans son manteau…
Le mieux est quand même l’hospitalité, dont la durée est codifiée, dans le monde grec : 3 jours maximum ; au-delà, c’est du parasitisme.
À l’arrivée, si l’on ne connait personne en particulier, il faut être muni de lettres de recommandations pour être reçu. Paul emploi ce procédé dans la lettre aux Romains, pour recommander la diaconesse Phébée (Rm 16,1-2).
Le statut de citoyen romain est aussi un atout pour bénéficier d’un bon réseau d’hospitalité.
« Ces réseaux de relation offrent non seulement le gîte et le couvert, mais aussi une protection judiciaire en cas de difficultés avec les autorités locales. Ils sont indispensables pour des individus qui voyagent sans autre possibilité d’attester leur identité que celle du témoignage » (Ibid p.67).
Paul encouragera les chrétiens à pratiquer l’hospitalité (Rm 12,13).
Dans certains cas, l’hôte permettra au voyageur de travailler, comme Aquilas à Corinthe, juif, chrétien et fabricant de tentes comme Paul (cf. Ac 18,3).
« Le rythme lent de ces marches harassantes est favorable à la maturation de la pensée. Le voyage, véritable épreuve aux dires des intellectuels qui l’ont pratiqué, a façonné la personnalité de l’Apôtre autant que la géniale expression de sa pensée » (Ibid p.69).