G.5. De la Crète à Malte

La tempête

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Bons-Ports

Le navire sur lequel Paul est emmené à Rome comme prisonnier se trouve à Bons-Ports.

Luc écrit : « Il s’était écoulé pas mal de temps, et la navigation était désormais périlleuse, car même le Jeûne était déjà passé. » (Ac 27,9) Ce jeûne, c’est le Yom Kippour, qui avait lieu fin septembre-début octobre. On était donc peut-être vers la fin octobre. Or la navigation s’arrêtait de début novembre à début mars.

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Une Corbita (vaisseau marchand) – Bas-relief du 2e siècle trouvé à Carthage

 

Mais le capitaine du navire juge que Bons-Ports ne convient pas pour un hivernage. Dans l’antiquité, tous les passagers d’un bateau sont invités à donner leur avis pour les grandes décisions. Paul opte pour rester tout de même à Bons-Ports : « Mes amis, je vois que la navigation n’ira pas sans péril et sans grave dommage non seulement pour la cargaison et le navire, mais même pour nos personnes. » (Ac 27,10). Le capitaine, lui, veut aller à Phoenix, qui possède un port mieux orienté pour l’hiver. Cela représenterait une courte navigation de moins de 80 km. Cet avis l’emporte.

Il faut lire maintenant le récit de voyage, si vivant, fait par Luc, présent lui-même sur le bateau.

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L’île de Cauda

Un léger vent du sud s’étant levé, ils se crurent en mesure d’exécuter leur projet. Ils levèrent l’ancre et se mirent à côtoyer de près la Crète. Mais bientôt, venant de l’île, se déchaîna un vent d’ouragan nommé Euraquilon. Le navire fut entraîné et ne put tenir tête au vent ; nous nous abandonnâmes donc à la dérive. Filant sous une petite île appelée Cauda, nous réussîmes à grand-peine à nous rendre maîtres de la chaloupe. Après l’avoir hissée, on fit usage des engins de secours : on ceintura le navire ; puis, par crainte d’aller échouer sur la Syrte, on laissa glisser l’ancre flottante. On allait ainsi à la dérive. (Lc 27,13-17)

L’ile de Cauda se trouve un peu au sud de la Crète.

Quant à la Syrte, c’est la côte libyenne, autour du golf de Syrte.

L’ancre flottante dont il est question est une amphore reliée au navire par une corde.

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Icône du voyage vers Rome – Donatella Capograssi

Le lendemain, comme nous étions furieusement battus de la tempête, on se mit à délester le navire et, le troisième jour, de leurs propres mains, les matelots jetèrent les agrès à la mer. Ni soleil ni étoiles n’avaient brillé depuis plusieurs jours, et la tempête gardait toujours la même violence ; aussi tout espoir de salut était-il désormais perdu pour nous. Il y avait longtemps qu’on n’avait plus mangé. Alors Paul, debout au milieu des autres, leur dit : « Il fallait m’écouter, mes amis, et ne pas quitter la Crète ; on se serait épargné ce péril et ce dommage. Quoi qu’il en soit, je vous invite à avoir bon courage, car aucun de vous n’y laissera la vie, le navire seul sera perdu. Cette nuit en effet m’est apparu un ange du Dieu auquel j’appartiens et que je sers, et il m’a dit : Sois sans crainte, Paul. Il faut que tu comparaisses devant César, et voici que Dieu t’accorde la vie de tous ceux qui naviguent avec toi. Courage donc, mes amis ! Je me fie à Dieu de ce qu’il en sera comme il m’a été dit. Mais nous devons échouer sur une île. » (Lc 27,18-26)

Luc se plait à montrer que si les hommes ne sont pas maitres des éléments, Dieu, lui, les domine. Désormais, c’est Paul, serviteur de Dieu, qui est la source de courage pour tous, marins, soldats et prisonniers.

 

Le naufrage

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Paul dans la tempête – Fresque d’une église de Malte

Mais les matelots cherchaient à s’enfuir du navire. Ils mirent la chaloupe à la mer, sous prétexte d’aller élonger les ancres de la proue. Paul dit alors au centurion et aux soldats : « Si ces gens-là ne restent pas sur le navire, vous ne pouvez être sauvés. » Sur ce, les soldats coupèrent les cordes de la chaloupe et la laissèrent tomber. En attendant que parût le jour, Paul engageait tout le monde à prendre de la nourriture. « Voici aujourd’hui quatorze jours, disait-il, que, dans l’attente, vous restez à jeun, sans rien prendre. Je vous engage donc à prendre de la nourriture, car c’est votre propre salut qui est ici en jeu. Nul d’entre vous ne perdra un cheveu de sa tête. » Cela dit, il prit du pain, rendit grâces à Dieu devant tous, le rompit et se mit à manger. Alors, retrouvant leur courage, eux aussi prirent tous de la nourriture. Nous étions en tout sur le navire 276 personnes.

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Le naufrage de Paul

Une fois rassasiés, on se mit à alléger le navire en jetant le blé à la mer. Quand le jour parut, les marins ne reconnurent pas la terre ; ils distinguaient seulement une baie avec une plage, et ils se proposaient, si possible, d’y pousser le navire. Ils détachèrent les ancres, qu’ils abandonnèrent à la mer ; ils relâchèrent en même temps les amarres des gouvernails. Puis, hissant au vent la voile d’artimon, ils se laissèrent porter vers la plage. Mais ayant touché un haut-fond entre deux courants, ils y firent échouer le navire. La proue, fortement engagée, restait immobile, tandis que la poupe, violemment secouée, se disloquait.

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Le naufrage de Paul – Mosaïque de la cathédrale de Westminster

Les soldats résolurent alors de tuer les prisonniers, de peur qu’il ne s’en échappât quelqu’un à la nage. Mais le centurion, qui voulait sauver Paul, s’opposa à leur dessein. Il donna l’ordre à ceux qui savaient nager de se jeter à l’eau les premiers et de gagner la terre ; quant aux autres, ils la gagneraient, qui sur des planches, qui sur les épaves du navire. Et c’est ainsi que tous parvinrent sains et saufs à terre. (Lc 27,27-44)

Une fois sauvés, nous apprîmes que l’île s’appelait Malte. (Lc 28,1)

Ces 15 jours de navigation périlleuse, poussée par la tempête, ont conduit Paul et ses compagnons de la Crète à l’ile de Malte, ce qui représente 945 km.

 

Sur les pas de Paul

 

 

 

La sagesse des hommes engloutie par la tempête

Dans le récit du naufrage de Paul, Luc se plait à montrer la différence d’état d’âme entre Paul, qui est en paix, réconforte, redonne courage, et les autres qui sont découragés, les marins eux-mêmes cherchant à se sauver en abandonnant tout le monde.

Ce récit dramatique ne peut que rappeler au lecteur de la Bible un extrait fameux du Psaume 106 faisant prendre conscience à la fois de la grandeur de Dieu, du néant de la sagesse humaine face à ce qui le dépasse, et surtout du salut qui ne peut venir que de Dieu. Gageons que Paul et Luc ont récité souvent ce psaume au cours des 15 jours de tempête.

23 Descendus en mer sur des navires, ils faisaient négoce parmi les grandes eaux ;

24 ceux-là ont vu les œuvres de YHWH, ses merveilles parmi les abîmes.

25 Il dit et fit lever un vent de bourrasque qui souleva les flots ;

26 montant aux cieux, descendant aux gouffres, sous le mal leur âme fondait ;

27 tournoyant, titubant comme un ivrogne, leur sagesse était toute engloutie.

28  Et ils criaient vers YHWH dans la détresse, de leur angoisse il les a délivrés.

29 Il ramena la bourrasque au silence et les flots se turent.

30  Ils se réjouirent de les voir s’apaiser, il les mena jusqu’au port de leur désir.

31 Qu’ils rendent grâce à YHWH de son amour, de ses merveilles pour les fils d’Adam !

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