G.3. Deux ans à Césarée
Paul devant Félix
À son arrivée à Césarée, Paul est présenté au gouverneur Félix. Celui-ci décide de le garder « dans le prétoire d’Hérode » (Ac 23,35), c’est-à-dire le palais construit par Hérode, devenu résidence du gouverneur romain.
Cinq jours plus tard, le grand prêtre Ananie, accompagné d’un avocat, Tertullus, arrivent à Césarée. Félix préside la confrontation. Tertullus accuse Paul, qui est qualifié de « protagoniste de la secte des Nazôréen » (Ac 24,5), de sédition chez tous les Juifs et de profanation du Temple.
Félix permet à Paul de parler pour sa défense :
Paul commence par rappeler qu’il n’est ici que depuis peu : « il n’y a pas plus de 12 jours que je suis monté à Jérusalem » (Ac 24,11).
En fait, il faudrait augmenter ce nombre : 7 jours de purification des vœux, et 5 jours d’attente de la descente d’Ananie font 12. Mais il manque le temps passé à la prison de Jérusalem (au moins un jour et deux nuits), et celui du trajet Jérusalem-Césarée (au moins 2 jours). Mais Luc résume en faisant allusion aux 7+5. Il n’en reste pas moins tout s’est passé très vite, et qu’on doit être un peu après la Pentecôte.
Paul continue en affirmant que personne ne peut prouver ce dont il est accusé.
Argument en sa faveur : Paul croit à la résurrection des justes et des injustes. Pour cela, il se fait un devoir d’avoir une conscience pure.
Après des années, Paul était venu apporter des aumônes à sa nation (allusion à la fameuse collecte) quand il a été trouvé dans le Temple. Paul rappelle pour finir l’incident du Sanhédrin, lorsqu’il a crié qu’il était arrêté pour avoir cru à la résurrection.
Félix ajourne le procès, sous prétexte de vouloir entendre le tribun Lysias. En fait, il a dû se rendre compte que Paul était innocent, mais il le garde en prison car « il espérait que Paul lui donnerait de l’argent » (Ac 24,26). Alors il le fait venir fréquemment devant lui et « Drusilla, sa femme, qui était juive » pour le faire parler sur Jésus. Mais les paroles de Paul sur la justice, la continence, le jugement, lui font peur.
La situation dure 2 années. Félix laisse Paul en prison pour ne pas déplaire aux Juifs. Que s’est-il passé pendant ces deux ans ? Personne n’en sait rien. Paul avait certainement le droit de recevoir ses proches. Il a donc pu continuer son activité apostolique par l’intermédiaire de ses collaborateurs.
Paul devant Festus
Au bout de ces deux années, c’est-à-dire en l’an 60, Félix est remplacé par Porcius Festus. Ce dernier veut faire avancer les affaires, négligées par son prédécesseur.
Trois jours après son arrivée, Festus monte à Jérusalem, reçoit les plaintes des grand prêtres et notables juifs contre Paul. Il séjourne 8 à 10 jours à Jérusalem, puis redescend à Césarée et le lendemain fait comparaitre Paul devant les Juifs. Festus se rend bien compte que les accusations contre Paul ne tiennent pas. Mais il doit « ménager la chèvre et le chou » : protéger un citoyen romain, et être diplomate avec le peuple juif chez qui il arrive. Il propose alors à Paul de remonter à Jérusalem pour y être jugé.
Paul sait que c’est un piège. De plus, il garde dans le cœur la parole du Christ entendue deux ans plus tôt : « Courage ! De même que tu as rendu témoignage de moi à Jérusalem, ainsi faut-il encore que tu témoignes à Rome » (Ac 23,11). Il est donc hors de question de retourner à Jérusalem.
Paul répond : « Je suis devant le tribunal de César ; c’est là que je dois être jugé. Je n’ai fait aucun tort aux Juifs, tu le sais très bien toi-même. Mais si je suis réellement coupable, si j’ai commis quelque crime qui mérite la mort, je ne refuse pas de mourir. Si, par contre, il n’y a rien de fondé dans les accusations de ces gens-là contre moi, nul n’a le droit de me céder à eux. J’en appelle à César ! Alors Festus, après en avoir conféré avec son conseil, répondit : « Tu en appelles à César, tu iras devant César. » (Ac 25,10-12)
Paul devant Agrippa et Bérénice
Quelques jours plus tard, Festus reçoit la visite du roi Agrippa et de sa sœur Bérénice. Festus fait comparaitre Paul devant eux afin de se faire aider pour rédiger la lettre d’accompagnement de Paul devant le tribunal de César : « Pour moi, j’ai reconnu qu’il n’a rien fait qui mérite la mort ; cependant, comme il en a lui-même appelé à l’auguste empereur, j’ai décidé de le lui envoyer. Je n’ai rien de bien précis à écrire au Seigneur sur son compte ; c’est pourquoi je l’ai fait comparaître devant vous, devant toi surtout, roi Agrippa, afin qu’après cet interrogatoire, j’aie quelque chose à écrire. » (Ac 25,25-26)
St Luc nous relate la prise de parole de Paul devant Festus, Agrippa et Bérénice. Ce discours constitue le 3e récit de la conversion de Paul.
S’adressant à Agrippa, Paul évoque sa jeunesse de Pharisien et arrive directement à la foi en la résurrection, cause de son emprisonnement.
Paul décrit son engagement contre les chrétiens, « usant contre eux de sévices, les forçant à blasphémer ». Puis vient le récit de la rencontre de Jésus sur le chemin de Damas. Il condense sans doute en cette apparition les paroles provenant d’autres apparitions. Il ne parle pas d’Ananie. En conséquence de cette rencontre, il est parti à travers le monde pour annoncer de se repentir et de se tourner vers Dieu, jusqu’à ce qu’on l’arrête dans le Temple. On a cherché à le faire mourir, mais Dieu l’a maintenu en vie jusqu’à ce jour, lui permettant de proclamer les souffrances du Messie et sa Résurrection.
Agrippa donne son avis : Paul aurait pu être relâché s’il n’avait pas fait appel à César.
G. Le voyage de captivité
Félix et Drusilla
Antonius Felix est le frère de Pallas, et comme ce dernier un esclave affranchi de la mère de l’empereur romain Claude, Antonia Minor, dont il prend le nom. Protégé par son frère, Felix devient un des favoris de l’empereur, qui lui confie le commandement de cohortes, puis le nomme procurateur de la province romaine de Judée.
Selon Flavius Josèphe, Felix devient gouverneur de Judée en 52.
Suétone dit qu’il fut le mari de trois reines. La première Drusilla était sans doute fille de Ptolémée de Maurétanie et arrière-petite-fille de la grande Cléopâtre et de Marc Antoine. La deuxième est inconnue. La troisième est Drusilla, une princesse juive, fille du roi Agrippa Ier (mort en 44) et sœur du roi Agrippa II.
Lorsque son frère Agrippa II est devenu roi de l’ancienne tétrarchie de Philippe, vers 53, Drusilla, « Extrêmement belle », reniant sa religion, ne tarde pas à séduire Antonius Felix, devenu procurateur de Judée. Drusilla lui donne un fils nommé Agrippa. Ces événements ont fait scandale à l’époque.
Selon Tacite, Félix « exerce le pouvoir d’un roi avec l’esprit d’un esclave », accumulant débauches et cruautés. Felix doit réprimer les brigandages endémiques, et les prophètes qui agitent le pays et menacent de créer une situation insurrectionnelle. Selon Flavius Josèphe, il paie des sicaires pour assassiner le grand-prêtre Jonathan, qui critiquait constamment sa mauvaise gestion de la Judée. Après cet attentat, les sicaires multiplient leurs actions violentes.
C’est devant lui que comparut Paul de Tarse, appréhendé à Jérusalem, accusé d’impiété et menacé d’exécution sommaire par ses adversaires. Ne pouvant obtenir une accusation précise et légale contre Paul qui avait de plus la qualité de citoyen romain, il le retint deux ans en prison à Césarée, lui permettant de recevoir les visites de ses proches. Selon les Actes des Apôtres, Felix et son épouse Drusilla se seraient entretenus plusieurs fois avec Paul, interrompant les rencontres lorsque Paul aborda les questions de moralité.
En 60, des émeutes opposent à Césarée des Juifs et des Syriens, que Felix réprime durement avec ses soldats. Une délégation des Juifs de Césarée rencontre Néron et accuse Felix d’injustices envers les Juifs, mais ce dernier est protégé par son frère Pallas, encore influent. Il est remplacé par Porcius Festus.
(Source : Wikipédia)
Porcius Festus
Lorsqu’il est nommé procurateur de Judée en 60, Festus hérite des problèmes rencontrés par son prédécesseur. En raison de l’insécurité, chaque groupe prend les armes, les personnalités des différents partis s’entourent de gardes du corps et chacune des quatre familles de grand-prêtre possède sa propre bande armée.
Les troubles entre Juifs et Samaritains renaissent sur le statut des Juifs à Césarée. Lorsque Néron décide que Césarée est une ville grecque — ce qui a pour effet de déchoir du droit de citoyenneté les Juifs de la ville, qui faisaient d’eux les égaux des Grecs — les affrontements reprennent de plus belle. Ce sont alors tous les juifs, non seulement ceux de Palestine, mais aussi ceux de la diaspora, qui vivent cette décision comme une profonde injustice qui accroît un peu plus « la souillure » que les païens font subir à la terre d’Israël. Malgré la répression que les forces de Festus et de ses successeurs exercent, les affrontements sur cette question se poursuivront jusqu’au déclenchement de la grande révolte juive en 66.
Les conflits qui secouent la Judée sont multiples : Grecs contre Juifs, Juifs contre Romains, haut clergé juif contre prêtres ordinaires, Sadducéens et Pharisiens contre chrétiens.
En 62, Festus meurt dans l’exercice de ses fonctions.
(Source : Wikipédia)
L’appel à l’empereur
La citoyenneté romaine conférait trois privilèges principaux : le droit de vote, le droit d’immunité contre les sanctions déshonorantes et le droit d’être jugé devant le plus haut tribunal de l’Empire.
Pour ce qui est du droit de vote, nous ne savons pas si Paul l’a exercé dans sa ville de Tarse. Il pouvait participer à l’assemblée du peuple où se discutait et se décidait tout ce qui concernait la vie et l’organisation de la cité. Seuls les citoyens romains avaient ce droit de participation aux assemblées. Les femmes, les esclaves, les affranchis et les étrangers en étaient exclus. Les Grecs appelaient ce système démocratie, de demos (peuple) et kratia (gouvernement). En réalité, ce n’était pas un « gouvernement du peuple », mais plutôt le gouvernement d’une élite restreinte de citoyens privilégiés.
Le second avantage incluait l’immunité contre les sanctions déshonorantes. Dans la ville de Philippes, Paul obtiendra des excuses de la part des juges qui l’avaient condamné à être battu de verges sans jugement. Plus tard, à Jérusalem, c’est en invoquant ce privilège qu’il échappera de justesse à la flagellation. Condamné à mort, il ne sera ni crucifié, ni brûlé dans les jardins de Néron, ni jeté aux bêtes féroces dans l’arène, comme bon nombre de chrétiens. Il sera décapité, mort plus honorable pour un citoyen romain.
Le troisième privilège sera utile à Paul lors de la première audience devant le nouveau gouverneur Festus, à Césarée maritime. En désespoir de cause, pour échapper aux conjurés qui avaient décidé de l’assassiner, il demandera d’être jugé devant la cour suprême de l’empereur, à Rome, requête qui lui sera accordée.
(Source : Père Yvon-Michel Allard, s.v.d. – www.cursillos.ca)
Hérode Agrippa II
Hérode Agrippa est Roi des Juifs de Judée de 54 à 92 ap J.C, né en 27 ou 28 ap. J.C à Rome. Agrippa II est instruit à la cour de l’Empereur Claude (41-54) et au moment de la mort de son père, en 44, il n’a que dix-sept ans. L’Empereur le garde donc à Rome. En 53, l’Empereur Claude fait de lui le Tétrarque de Gaulanitide, de Batanée, de Trachonitide et d’Auranitide, les anciennes tétrarchies d’Hérode Philippe II. En 55, l’Empereur Néron (54-68) lui cède les villes de : Tibériade et Taricheæ en Galilée, Julias, près de quatorze villages en Pérée et la rive Ouest de la mer de Galilée, territoire qui avait appartenu au domaine de son père et un autre grand-oncle Hérode Antipas. Hérode Agrippa II prend sa résidence Jérusalem et Césarée Maritime. Il dépense des sommes importantes dans l’embellissement de Jérusalem, il agrandit le palais royal et rénove le temple, et dans d’autres villes.
Quand éclatèrent, en 66, les grandes émeutes des Juifs, Agrippa II et Bérénice s’emploient à apaiser les esprits. Ils tentent en vain de dissuader le peuple de se rebeller et de tolérer le comportement du Procurateur Romain, mais la même année les Juifs expulsent Agrippa II et Bérénice de la ville. En 67, les Romains organisent une répression et l’Empereur Romain Néron envoie Vespasien (Empereur Romain, 69-79) et son fils Titus (Empereur Romain, 79-81) combattre la révolte.
Au cours de cette Première guerre Judéo-romaine de 66-73, Hérode Agrippa II soutient Vespasien. Les Romains établissent leur quartier général dans le palais d’Hérode Agrippa II, à Césarée de Philippe où Bérénice séduit Titus. Vespasien, devenu empereur, retourne à Rome et laisse Titus à la tête de ses légions. Hérode Agrippa II l’accompagne sur certaines campagnes.
Le 29 août 70, Titus assiège Jérusalem qu’il va prendre. Agrippa II doit assister à la destruction du Temple qu’il avait lui-même rénové, qui est livré aux flammes.
En 75, Agrippa II et Bérénice rejoignent Titus à Rome où Agrippa II est présent lorsque Vespasien inaugure le Forum de la paix. Agrippa II est investi de la dignité de Préteur et est récompensé de sa fidélité à Rome avec de nouveaux territoires.
En 92, Hérode Agrippa II est déposé par les Romains.
(Source : Antikforever)
Bérénice
Elle naquit en 28 ap. J.C, Princesse Juive. Fille aînée du Roi Hérode Agrippa I (37-44 ap. J.C) et de la Reine Cypros. Elle fut mariée très jeune à Marcus Alexander, neveu du philosophe Philon d’Alexandrie et frère de Tibère Alexandre, qui abjura le Judaïsme. Elle séjourna à Alexandrie de 41 à 46, jusqu’à la mort de son époux. Elle fut remariée à 20 ans à son oncle le Roi de Chalcis Hérode (41-48), dont elle eut deux fils. Elle fut à nouveau veuve en 48 et se remaria une troisième fois avec le Roi de Cilicie Polémon, qu’elle abandonna pour revenir à Jérusalem auprès de son frère Hérode Agrippa II. Quand éclatèrent en 66 les émeutes contre le procurateur Florus, Bérénice et Hérode Agrippa II s’employèrent à apaiser les esprits. Mais l’Empereur Romain Néron envoya Vespasien et son fils Titus combattre la révolte. Ils établirent leur quartier général dans le palais d’Hérode Agrippa II, à Césarée de Philippe où Bérénice séduit Titus.
Après la chute de Jérusalem Bérénice rejoignit Titus à Rome. En 75, il promit de l’épouser. Le scandale fut immense et Titus dut se résigner. En 78, il renvoya Bérénice, « malgré lui, malgré elle », écrit Suétone. En 79, il succéda à son père, mais mourut après deux ans de règne, en septembre 81, sans avoir voulu revoir sa maîtresse.
(Source : Antikforever)
Le discours de Paul devant Agrippa et Bérénice
Ce discours constitue le 3e récit de la conversion de Paul.
Si on le compare au discours de Paul devant les Juifs soulevés contre lui (Ac 22,3-21), on se rendra compte de l’habileté de Paul (ou de Luc) à s’adapter à son auditoire.
Paul souligne son passé de persécuteur des chrétiens pour mieux faire ressortir la révélation de Jésus qui l’a totalement changé. Il insiste aussi sur la foi en la résurrection puisqu’Hérode est Juif et censé y croire.
On trouvera ce discours intégralement ici.