A.6. Une année à Antioche de Syrie

L’Église d’Antioche

Nous avons laissé Saul dans sa patrie, à Tarse. Ce séjour a pu durer un certain temps, qui n’est pas précisé.

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St Ignace d’Antioche Martyr autour de 110

Après quelques épisodes liés à l’Apôtre Pierre, que le Saint Esprit pousse à la rencontre des païens, le livre des Actes des Apôtres nous rapporte les grandes lignes de la fondation de l’Église d’Antioche. L’implantation du christianisme dans cette grande métropole est un événement. Pierre viendra dans cette ville, et sera considéré comme son 1e évêque. C’est encore un évêque d’Antioche, Ignace, qui aura un si grand impact sur l’Église par les lettres qu’il écrira sur la route de son martyre, à Rome, au début du 2e siècle. Et Antioche deviendra l’un des sièges épiscopaux les plus importants de la chrétienté antique, avec Rome, Jérusalem et Alexandrie.

Revenons à la fondation de cette communauté chrétienne, selon les Actes des Apôtres :

« Ceux-là donc qui avaient été dispersés lors de la tribulation survenue à l’occasion d’Étienne poussèrent jusqu’en Phénicie, à Chypre et à Antioche, mais sans prêcher la parole à d’autres qu’aux Juifs.

Il y avait toutefois parmi eux quelques Chypriotes et Cyrénéens qui, venus à Antioche, s’adressaient aussi aux Grecs, leur annonçant la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus. La main du Seigneur les secondait, et grand fut le nombre de ceux qui embrassèrent la foi et se convertirent au Seigneur. La nouvelle en vint aux oreilles de l’Église de Jérusalem, et l’on députa Barnabé à Antioche.

Lorsqu’il arriva et qu’il vit la grâce accordée par Dieu, il s’en réjouit et les encouragea tous à demeurer d’un cœur ferme, fidèles au Seigneur ; car c’était un homme de bien, rempli de l’Esprit Saint et de foi. Une foule considérable s’adjoignit ainsi au Seigneur. » (Ac 11,19-24)

Encore une fois, nous trouvons le martyre d’Étienne comme point de départ d’un mouvement de diffusion de l’Évangile. Et cette fois, cette expansion est considérable. Dans cette très grande ville de l’Empire, les conversions sont très nombreuses.

 

Barnabé vient chercher Saul

Apôtre – Hypogée des Aurelii – (Catacombe de Rome)

Devant l’ampleur de la tâche d’accompagnement et de formation de ces nouveaux disciples du Christ, Barnabé pense à celui qu’il a « parrainé » auprès des Apôtres : Saul. Barnabé sait bien que Saul a une excellente formation aux Écritures, qu’il a été « formé aux pieds de Gamaliel » (Ac 22,3). Saul a aussi l’avantage d’avoir grandi au contact de la culture païenne, ce qui le rend capable de comprendre ces nouveaux convertis qui ne possèdent pas la culture juive.

Tarse n’est pas très loin. Barnabé part chez Saul.

Peut-être a-t-il dû le chercher un peu, puisque St Luc précise que « l’ayant trouvé, il l’amena à Antioche » (Ac 11,26). Là encore, cette arrivée à Antioche est confirmée par Paul, dans la lettre aux Galates, lorsqu’il écrit qu’il est venu « en Syrie », province dont Antioche faisait partie.

Comment s’est fait ce voyage ? On ne le sait pas. Il a pu avoir lieu par la route, ce qui représente une distance de 240 km. S’ils ont pris le bateau (car Tarse et Antioche ont des ports importants) la distance est plus courte : 137 km par mer.

 

Une année à Antioche

St Luc précise que Barnabé et Saul vécurent ensemble dans cette Église d’Antioche pendant une année complète, et qu’ils « y instruisirent une foule considérable » (Ac 11,26).

Comment imaginer la vie de cette jeune et bouillonnante communauté chrétienne ?

Elle est composée de membres issus du judaïsme et d’autres issus du paganisme. Les relations entre ces deux groupes ont dû poser des questions, puisqu’à priori, les Juifs ne se mélangent pas avec les païens. Pourtant, devant le grand nombre de conversions issues du paganisme, l’unité s’est faite facilement, dans un premier temps. Des problèmes surgiront plus tard lorsque des chrétiens venant de Jérusalem viendront troubler cette unité.

Le Christ enseignant - Catacombe de Domitille

Le Christ enseignant – Catacombe de Domitille

Barnabé et Saul passent sans doute leurs après-midi à instruire ces nouveaux disciples du Christ (le matin est réservé aux travaux et affaires diverses). On sait que, dans une situation semblable, à Éphèse, Paul enseignait chaque jour de la 5e à la 10e heure (de 11h à 16h) (d’après une version latine très ancienne des Actes des Apôtres). Il faut donc imaginer des séances prolongées de catéchèse pour adultes, dans un style rabbinique de commentaire et d’interprétation des Écritures que découvraient les anciens païens.

On se forme soi-même en enseignant les autres. On peut donc penser que quelques grandes lignes des enseignements que Paul dispensera dans ses lettres, ont été ébauchées à Antioche.

Orant - Catacombe de Priscille

Orant – Catacombe de Priscille

Cette communauté chrétienne prie beaucoup, également. On peut distinguer deux types d’assemblée : assemblée de prière « libre », et assemblée « eucharistique ». Il est possible que les deux aient lieu en même temps. Mais il est possible aussi que des assemblées de prière libre aient lieu indépendamment des assemblées eucharistiques. Imaginons-les, successivement.

Chaque samedi soir, dès l’entrée dans le « jour du Seigneur », la communauté des fidèles se rassemble pour célébrer la Résurrection du Christ, au cœur de la foi et de l’expérience spirituelle de chacun.

Il s’agit d’un long temps de prière conduit par l’Esprit Saint. On chante, on loue le Seigneur, on lui rend grâce. Des hymnes ont certainement été composées assez tôt par les chrétiens. On en trouve des extraits dans les lettres de St Paul. Pourquoi ne pas imaginer que certaines puissent venir de cette Église d’Antioche ? (Elles ont pu tout aussi bien être écrites plus tard, et ailleurs).

Orants – Catacombe Callixte (reconstitution de la fresque)

Pendant la prière, l’Esprit Saint donne à certains des paroles de sagesse, à d’autres des paroles de connaissance des cœurs, à d’autres des images intérieures qui enseignent et touchent les cœurs. Certains parlent un langage inconnu, que St Luc désigne par l’expression « parler en langue ». D’autres prennent alors la parole pour dire à l’assemblée que ce Dieu veut dire à travers cela. D’autres encore disent des prophéties, c’est-à-dire des paroles qui viennent de Dieu et touchent le cœur d’une autre personne. Il se produit aussi des guérisons, des libérations intérieures. Toutes ces « manifestation de l’Esprit », appelées aussi « charismes », nous sont rapportées dans les lettres de St Paul et dans les Actes des Apôtres. (1 Co 12-13-14 ; Rm 12,6-8 ; Ep 4,11 ; Ac 2,6-8 et beaucoup d’autres passages des Actes). L’Église primitive en vivait de façon ordinaire.

Pendant cette première partie, n’importe qui pouvait venir. Or, les cœurs touchés, les guérisons, les signes, tout cela se savait, se disait. Il n’est pas étonnant, dès lors, que des foules importantes se soient converties.

Dans la deuxième partie de la soirée, ne restent que ceux qui ont reçu le baptême. Ils vont vivre ensemble un repas d’action de grâce en mémoire du Seigneur. Repas festif, où chacun apporte et met en commun la nourriture. Au cours de ce repas, Barnabé et Saul entretiennent longuement la communauté sur ce Christ que le Père a ressuscité. Barnabé peut répéter ce qu’il a lui-même entendu de la bouche des Apôtres, à Jérusalem, sur les faits et gestes de Jésus. Il préside ensuite la prière, improvisant une longue action de grâce, toute pénétrée de prières juives « christianisées ». Puis on évoque le dernier repas de Jésus, en répétant ses gestes et paroles instituant son Corps et son Sang, sous la forme du pain et du vin. Chacun peut y communier, participant ainsi à l’Amour sauveur et sanctifiant de Dieu, et faisant avec les autres frères un seul corps.

Agape – Catacombe St Marcellin et Pierre

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Repas eucharistique – Catacombe de Priscille

Après quelques derniers chants et un baiser de paix fraternel, on se quitte dans la nuit.

Les autres habitants de la ville d’Antioche voient bien qu’il se vit un mouvement de grande ampleur. Ce sont eux qui vont donner pour la première fois aux disciples du Christ le nom de « chrétiens » (Ac 11,26).

 

Sur les pas de Saul

 

Au temps de Paul, le fleuve possédait une ile. Voici le plan de la ville à l’époque romaine (source : Antikforever.com). On y voit très bien la grande avenue centrale, longue de près de 3 km, large de 30m, et possédant 3200 colonnes.

La ville était divisée en quatre quartiers fortifiés par leurs propres murailles. Le tout était, de plus, entouré de fortifications. Cette grande ville de l’empire, avec une grande et vivante communauté chrétienne, sera le lieu de départ des trois grands voyages missionnaires de Paul, tels que rapportés par St Luc.

Plan de la Ville d’Antioche

A – Hippodrome
B – Palace Impérial
C – Tétrapylon
D – Mur de Séleucos I
E – Mur de Justinien
F – Nympheum
G – Rue à colonnades
H – Amphithéâtre
I – Mur de Tibère
J – Mur de Théodose II
K – Porte Daphné
L – Nécropole Mnémosyne
M – Mur de Justinien
N – Théâtre
O – Porte Est
P – Porte du pont

1 – Bains
2 – Maison de l’Atrium
3 – Stade Byzantin
4 – Forum de Valens
5 – Charonion
6 – Communauté juive
7 – Quartier résidentiel

La famine et la collecte pour Jérusalem

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Pièces romaines

Au cours de cette année passée à Antioche, ou bien juste après, un prophète, Agabus, arrive de Jérusalem. Il annonce une famine. Les chrétiens d’Antioche font alors une collecte pour ceux de Judée. Voilà une pratique qui se retrouvera dans l’apostolat de Paul.

La collecte est apportée « aux anciens » c’est à dire aux Apôtres, par Barnabé et Saul.

Flavius Josèphe parle d’une famine qui eut lieu sous les procurateurs Cuspius Fadus et Tiberius Alexander, c’est à dire de 44 à 48.

C’est vers la même époque que le roi Hérode Agrippa 1e (qui a régné de 41 à 44) déclenche la persécution qui conduira Jacques, frère de Jean, à la mort, et Pierre en prison (délivré miraculeusement).

Or les Actes mélangent ces deux faits. Cela peut être une composition. Mais on peut aussi supposer que la montée à Jérusalem s’est faite aux environs de 44, date commune aux deux fourchettes historiques.

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Bas-Relief de bateau phénicien datant du 1er siècle avant JC

Si le voyage se fait par mer, il faut compter 32 km d’Antioche au port de Séleucie, puis 420 km par bateau jusqu’à Césarée, puis 127 km de route entre Césarée et Jérusalem. Et autant au retour : 127 km de route, 420 km de navigation, 32 km de route.

Si le voyage se fait entièrement par la route, il faut compter 780 km entre Antioche et Jérusalem, soit un total de 1560 km aller-retour.

Barnabé et Saul, une fois la collecte apportée à Jérusalem, repartent pour Antioche. Ils sont accompagnés de Jean, surnommé Marc.

Antioche de Syrie

Antioche, appelée aussi Antioche sur l’Oronte, est fondée en 300 av JC par Séleucos 1e Nicanor en souvenir de son père Antiochos.

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Mosaïque romaine – Musée d’Antakya

On l’appelle encore « Antioche près de Daphnè » du nom d’un bois sacré voisin consacré à Apollon et dans lequel Séleucos éleva un temple au dieu tutélaire des Séleucides.

Particulièrement bien située, à la charnière des voies conduisant vers l’Anatolie, la Mésopotamie et la Palestine, et sur l’Oronte alors navigable, Antioche devient la capitale du royaume séleucide et l’un des principaux centres de diffusion de la culture hellénistique. La ville se pose très tôt en rivale d’Alexandrie.

Après la conquête romaine en 64 av. JC par Pompée, elle devient la capitale de la province de Syrie et, loin de s’affaiblir, conserve le surnom de « Couronne de l’Orient ».

À son apogée, c’est une ville d’environ 500.000 habitants (3e ville de l’empire), possédant le statut de cité libre.

Antioche est un centre commercial et culturel très important. La ville a été fréquentée par les gouvernants romains : Pompée, César, Antoine, Auguste, Vespasien, Titus. D’où la présence de monuments luxueux. Une communauté juive y réside.

(Source : Wikipédia et « St Paul sur les routes du monde romain » Chantal Reynier)

Le Renouveau charismatique

Au XXe siècle, le Saint Esprit a suscité un grand mouvement de réveil dans diverses Églises chrétiennes. L’Église catholique a été touchée à partir de 1967.

A6 A012L’effusion de l’Esprit Saint est une expérience forte de l’amour sauveur du Christ. On redécouvre alors cette façon ordinaire de prier dans l’Église primitive : ferveur nouvelle, amour de la Parole de Dieu et de l’Église, louange et exercice des charismes, tels qu’ils sont décrits dans le Nouveau Testament.

La vidéo ci-dessous (52′) présente le Renouveau charismatique. « Un courant de grâce pour l’Eglise », selon la définition du Pape François.

Et voici l’intégrale (1h44′) de la veillée de prière avec le Pape François, lors du jubilé des 50 ans du Renouveau charismatique catholique. L’intervention du Pape commence à 47′.

 

St Marc
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Saint Marc – Nea Moni – Mosaïque du 11e s

Jean, surnommé Marc, est fils d’une disciple de Jésus, nommée Marie, chez qui se réunissait l’une des premières communautés chrétiennes, à Jérusalem (Ac 12,12). Il est aussi le cousin de Barnabé (Col 4,10)

Il accompagne Paul et Barnabé dans leur mission à Chypre. Peu après, il refuse de suivre Paul, en partance pour l’Asie Mineure. Saint Paul lui en voudra un moment : il préférera se séparer de Barnabé plutôt que de reprendre Marc (Ac 15,39).

On retrouvera Marc, réconcilié avec Paul, auprès de lui, à Rome, lors de son emprisonnement.

Il est aussi attaché à St Pierre, qui l’appelle « mon fils » (1 Pi 5,13). Selon la tradition, il recueillit dans son Évangile l’enseignement, la catéchèse de St Pierre.

Il est considéré comme le fondateur de l’Église d’Alexandrie, où il aurait subi le martyre.

« L’hymne aux Philippiens »

Dans l’épître adressée aux chrétiens de Philippes, Paul cite sans doute un extrait d’une hymne liturgique de l’Église primitive. Toute la foi chrétienne y est admirablement synthétisée.

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Abside de l’église St Clément – Rome

Ayez entre vous les mêmes sentiments
qui sont dans le Christ Jésus :

Lui, de condition divine,
ne retint pas jalousement
le rang qui l’égalait à Dieu.
Mais il s’anéantit lui-même,
prenant condition d’esclave,
et devenant semblable aux hommes.
S’étant comporté comme un homme,
il s’humilia plus encore,
obéissant jusqu’à la mort,
et à la mort sur une croix !
Aussi Dieu l’a-t-il exalté
et lui a-t-il donné le Nom
qui est au-dessus de tout nom,
pour que tout, au nom de Jésus,
s’agenouille, au plus haut des cieux,
sur la terre et dans les enfers,
et que toute langue proclame,
de Jésus Christ, qu’il est Seigneur,
à la gloire de Dieu le Père.

 (Ph 2,5-11 – Traduction : Bible de Jérusalem)

Cette hymne est toujours utilisée dans la prière des communautés chrétiennes. Voici une version chantée par les moines de l’Abbaye Notre Dame de la Pierre qui Vire.