A.1. Qui est Saul / Paul ?

Origine, âge, études à Jérusalem

Paul est originaire de Tarse, en Cilicie (Ac 21,39)

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Il est Juif, de la tribu de Benjamin. Au jour de sa circoncision, le 8e jour après sa naissance, il reçoit le nom de Saul (Ph 3,5). On estime qu’il serait né entre l’an 6 et l’an 10. La tradition chrétienne s’est fixée sur l’an 8 (ce qui a conduit l’Église à célébrer « l’année St Paul » en 2008).

Son Père était Pharisien, puisque devant le Sanhédrin, à Jérusalem, Paul se dit « Pharisien, fils de Pharisien » (Ac 23,6). Il avait en outre la citoyenneté romaine. Saul reçoit donc cette dignité à sa naissance (Ac 22,28).

De son père, Saul reçoit aussi le métier de fabricant de tentes (Ac 18,3). Toute sa vie, Paul sera attentif à gagner sa vie de ses mains pour ne pas dépendre des personnes à qui il annonce l’Évangile.

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Lorsque Saul apparait dans la Bible, il se trouve à Jérusalem, faisant des études rabbiniques auprès d’un des plus grands docteurs du temps : Gamaliel (Ac 22,3).

Le génie que Paul déploiera dans le christianisme fait imaginer un étudiant brillant, comme le laisse aussi deviner Gal 1,14. Brillant et zélé pour la Loi.

Peut-être résidait-il chez des membres de sa famille habitant à Jérusalem, puisque lors de son arrestation, 30 ans plus tard, on apprend qu’il a une sœur et un neveu qui habite cette ville (Ac 23,16).

Le martyr de Saint Etienne

C’est à l’occasion du martyre d’Étienne que Saul fait son entrée dans la Bible. Il est appelé « jeune homme », sans doute entre 20 et 25 ans. Les « témoins » de la lapidation avaient déposé leurs manteaux au pied du jeune Saul.

St Luc, auteur des Actes des Apôtres, prend la peine de préciser que « Saul, lui, approuvait ce meurtre » (Ac 8,1).

À partir de ce moment, Saul s’engage activement, et de toutes ses forces, dans la répression de ceux qu’il prend pour de dangereux déviationnistes du judaïsme : les chrétiens.

 

Sur les pas de Saul

Cliquer sur les vignettes pour avoir des détails.

La vidéo ci-dessous présente (avec un charmant accent québécois) le personnage de Paul de Tarse. C’est une bonne introduction à notre itinéraire.

Comme Saul, nous quittons maintenant Tarse pour le retrouver à Jérusalem.

Les autres Saul de la Bible

Le nom de « Sha’ûl », ou « Saoul », ou « Saulos » signifie « Demandé [à Dieu] ».

On trouve plusieurs « Shaûl » dans l’Ancien Testament :

  • Un roi d’Édom (Gn 36,37)
  • Un fils d’une Cananéenne et de Siméon, fils de Jacob (Gn 46,10)
  • Un lévite, parmi la famille des ancêtres du prophète Samuel (1 Chr 6,9)
  • Enfin, Saül, fils de Kish, de la tribu de Benjamin et premier roi d’Israël (entre 1030 et 1010 av. JC environ) On trouve le récit de sa vie au 1e livre de Samuel.

(Source : « Dictionnaire des noms propres de la Bible », éditions du Cerf et DDB, 1978)

Saul « jeune homme »

Saul est appelé « néanias », « jeune homme ». Ce mot n’est employé que dans les Ac. Ailleurs, c’est le mot « néaniskos », qui désigne un jeune homme.

Les autres « néanias » des Actes sont Eutychus (Ac 20,9 : jeune chrétien de Troas qui tombe par la fenêtre, mais qui est aussi appelé « païs » (enfant)), et le neveu de Paul (Ac 23,16-17 : qui prévient Paul du guet-apens qu’on lui tend, mais qui est appelé aussi « néaniskos »).

Saul est donc un homme jeune, mais qui n’est plus un enfant car il va vite prendre des responsabilités dans la persécution des chrétiens. Peut-être peut-on lui donner autour de 25 ans au moment du martyre d’Étienne.

Le « zèle » pour Dieu

Le zèle pour Dieu est une passion que l’on retrouve souvent dans la Bible. Il s’agit d’une sainte indignation, colère, jalousie, devant ce qui blesse l’honneur de Dieu ou le culte qui lui est dû.

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Jésus chasse les vendeurs du Temple – Raymond Balze

Lorsque Jésus chasse les marchands du Temple, « ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : « Le zèle pour ta maison me dévorera. » (Ps 68,10) » (Jn 2,17). Cette sainte colère de Jésus fait écho à toutes les colères de Dieu contre son peuple qui s’obstine dans son péché (So 1, Ez 16,38, etc…….)

Dans l’Ancien Testament, plusieurs personnes sont saisies par cette sainte colère. Pinhas (Nombres 25,1-13), Élie (1Rois 18,20-40 ; 1R 19,10), Mattathias (1Maccabées 2,15-26) qui est comparé à Pinhas.

Le mouvement des « zélotes », du temps de Jésus, se réclame de cette ligne de conduite. Un des disciples de Jésus, « Simon le zélote », en est issu.

Bien sûr, depuis la Croix, sommet de la révélation de Dieu, le zèle pour Dieu ne peut qu’être un zèle d’amour et de fidélité. Saul, devenu Paul, découvrira que le Salut en Christ a suscité un « peuple zélé pour le bien » (Tit 2,14 ; 1 Pi 3,13)

(D’après le « Vocabulaire de théologie biblique », édition du Cerf, 1988)

Portraits de St Paul
Icône byzantine

Icône byzantine

Mosaïque de Ravenne

Mosaïque de Ravenne

Composition du visage de St Paul, créée par le Bureau d’Investigation (Landeskriminalamts) de l’État de Nord Rhin-Westphalie, utilisant des sources historiques, présenté par l’historien Michael Hesemann, de Düsseldorf. (Source : Wikipedia)

Les Pharisiens

Ils sont l’un des principaux courants spirituels juifs du 1e siècle, avec les Sadducéens, les Zélotes, et les Esséniens.

Habit typique de Pharisien Source : Biblehistory.com

Habit typique de Pharisien
Source : Biblehistory.com

Le mot « Pharisien » vient de l’hébreu « perûšim » (« les séparés »). Ceux-ci se considèrent de la famille des « ḥasidim » (« les pieux ») qui, au temps des Maccabées, luttèrent avec acharnement contre l’influence païenne (1 Maccabées 2,42).

Ce courant comptait l’ensemble des scribes et des docteurs de la Loi et un certain nombre de prêtres. Il était organisé en confréries religieuses.

Historiquement, il semble que la responsabilité de la mort de Jésus incombe d’abord à la caste sacerdotale et aux Sadducéens. Les Pharisiens ne sont pas nommés dans le récit de la Passion (sauf en Jn 18,3). Nombreux semblent avoir été ceux qui voulurent prendre contact avec Jésus en l’invitant à leur table (Lc 7,36 ; 11,37 ; 14,1). Certains prirent ouvertement sa défense (Lc 13,31 ; Jn 7,50-51). Ils sont proches de certains aspects de l’enseignement de Jésus : ils croient à la Résurrection et aux Anges (contrairement aux Sadducéens). Jésus admire leur zèle (Mt 23,15), leur souci de la perfection et de la pureté. Paul souligne leur volonté de pratiquer la Loi minutieusement, et affirme qu’ils sont admirables par leur attachement à des traditions orales vivantes.

Cependant, un grand nombre s’opposa farouchement à l’enseignement et à la personne de Jésus, celui-ci dénonçant le légalisme dans lequel ils étaient tombés et leur orgueil spirituel. Les préceptes de Dieu se trouvaient anéantis par leurs traditions humaines, et la pratique extérieure devenait plus importante que la conversion du cœur. Jésus dénoncera violemment cette attitude et les traitera « d’hypocrites » (Mt 23,13-31).

(D’après le « Vocabulaire de théologie biblique », édition du Cerf, 1988)

Gamaliel

Rabban Gamliel l’Ancien est une haute autorité du judaïsme pharisien.

Rabban Gamaliel instruisant ses étudiants. Enluminure de la Haggadah de Sarajevo

Rabban Gamaliel instruisant ses étudiants.
Enluminure de la Haggadah de Sarajevo

Il est le fils de Shimon ben Hillel I et le petit-fils de Hillel. Il devient président du Sanhédrin à la mort de Shammaï, tâche qui sera reprise par son fils Shimon ben Gamliel I. De nombreux descendants porteront son nom, jusqu’à Gamaliel VI.

Rabban Gamaliel meurt vers 50 de notre ère, avant la destruction du Temple.

Dans la Tradition juive, Rabban Gamliel parsème les pages du Talmud, encore qu’il soit parfois difficile de dire de quel Gamliel il s’agit. Trois lettres ont été conservées de lui.

Dans la Tradition chrétienne, Gamaliel apparaît dans les Actes des Apôtres. Il intervient en faveur des Apôtres tandis qu’ils devaient comparaître devant le sanhédrin pour avoir continué à prêcher malgré l’interdiction édictée par l’autorité juive (Ac 5,34-39).

C’est aussi auprès de lui que Saul de Tarse fait ses études (Ac 22,3).

Une tradition chrétienne (Clément, Recognitiones,1,65) prête à Gamaliel une conversion secrète au christianisme avec un de ses fils Abibas/Abibon/Diboan. Tous deux auraient été baptisés en même temps que Nicodème par les apôtres Pierre et Jean.

La tradition chrétienne garde le souvenir de l’apparition de Gamaliel au prêtre Lucien, curé de Cafargamala (Kfar-Gamala) le vendredi 3 août 415 : le rabbi lui indique où se trouve sa relique, qui sera retrouvée dans le même tombeau que celle de son fils Abibas. On y trouvera aussi la relique de saint Étienne et saint Nicodème.

(Source : Wikipedia)

Le métier de fabricant de tentes

A1 B4Tarse était un centre de tissage et de façonnage de toile, une région réputée pour son étoffe en poil de chèvre, appelée « cilicium » (du nom de la province : « Cilicie »), avec laquelle on fabriquait des tentes. C’est là que Paul a dû apprendre son métier de fabricant de tentes. Ce n’est pas l’armée qui lui offrait des débouchés : les tentes des militaires étaient en peau. Mais le marché civil était varié et important : sous le nom de « tente », il faut entendre aussi bien les rideaux des maisons et des boutiques, les vélums des théâtres, des places publiques, des rues marchandes. Ce travail, exécuté dans des ateliers familiaux, permettait de parler à beaucoup de monde : donc, pour Paul, de prêcher.

 

La ville de Tarse

Tarse se trouve au sud du Taurus, l’immense chaîne montagneuse qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres. Au 1e siècle, Strabon décrit Tarse de la façon suivante : « Ville située dans une plaine, non loin de la mer. Le fleuve Cydnos coule au milieu de la ville, longeant le gymnase des jeunes gens. Comme la source du fleuve n’est pas éloignée de la ville, et qu’elle traverse des gorges escarpées avant d’y arriver, son eau est froide et rapide. Il en résulte qu’elle est de grand secours pour les bêtes et les hommes qui souffrent de rhumatismes. »

Au temps de Paul, Tarse était une ville vieille de 14 siècles. Plusieurs peuples l’avaient conquise, ravagée, dominée : les Assyriens, les Macédoniens, les Séleucides, les Arméniens. Cyrus et Alexandre étaient passés par là.

La ville de Tarse avait été annexée à l’empire de Rome en 64 av. J.-C. Elle était alors devenue la capitale de la province de Cilicie. Pompée, César et Cicéron ont profité de sa beauté et de son climat.

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Buste de Cléopâtre

C’est à Tarse que Cléopâtre a séduit Marc-Antoine et est devenue sa maîtresse et son alliée. Près du port, les ruines de la « porte de Cléopâtre » existent encore.

Pour comprendre la période mouvementée précédant le long règne de César-Auguste (31 av. J.C à 14 ap. J.C.), il faut connaître un peu l’histoire sanglante qui précéda la «pax romana», cette paix de l’empire qui permit au christianisme de se développer.

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Buste de Marc-Antoine

Après l’assassinat de Jules César, il y eut une période de guerre civile entre Brutus, Marc Antoine, Octave et Cléopâtre. En 31 av. J.C., à Actium, la flotte de César Auguste, moins nombreuse que celle de ses adversaires, anéantit les forces de Marc Antoine et de Cléopâtre. Ayant échappé au carnage et de retour à Alexandrie, Marc Antoine se jeta sur son épée et Cléopâtre se laissa mordre par un aspic (vipère). César Auguste ayant éliminé tous ceux et celles qui auraient pu revendiquer le trône, s’octroya tous les titres importants de la religion et du gouvernement de Rome et concentra en sa seule personne tous les pouvoirs de l’Empire. Il remplaça la République par une dictature, et réussit à établir une paix durable, la «pax romana».

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César Auguste

Pendant ce temps de paix et d’accalmie, Tarse devint une ville active et prospère. Elle offrait un accès à la Méditerranée et aux richesses de trois continents, en provenance d’Alexandrie, d’Éphèse, de Corinthe, de Rome et d’Espagne. C’était un centre de commerce et un lieu de transit, spécialement pour le précieux bois de construction amené par flottage des monts Taurus. Le fleuve Cydnos était pourvu, sur ses deux rives, de quais, d’embarcadères et d’entrepôts. La ville était l’un des grands ports du sud de la Turquie, un passage obligé, entre l’Anatolie, la Cappadoce, la mer Noire et la Méditerranée orientale.

En plus d’être opulente, la ville occupait, depuis des siècles, une place importante dans la vie intellectuelle et politique. Strabon écrit : «Les habitants de Tarse sont tellement passionnés par la philosophie, ils ont l’esprit si encyclopédique, que leur cité a fini par éclipser Athènes, Alexandrie, et toutes les autres cités…»

À Tarse les groupes ethniques, les religions et les langues diverses cohabitaient sans heurt. C’était un point de rencontre de deux grandes civilisations : la civilisation gréco-romaine à l’ouest et la civilisation sémitique à l’est. Tout en étant ouverte à la nouveauté, Tarse était une ville austère, attachée aux traditions, une ville où régnaient à la fois une grande décence et une morale sévère.

Dans ce milieu païen, Paul a reçu une excellente préparation à sa mission « d’apôtre des nations ». Il n’admettra aucune différence entre Juifs et Gentils, Grecs et Barbares, hommes libres et esclaves, hommes et femmes (Col 3,11 ; 1Co 12,13). Cette ville opulente et commerciale, mélange de toutes les races de l’empire, marquera sa pastorale missionnaire. Au temps de Paul, Tarse comptait environ 300.000 habitants. Beaucoup de monde, des rues étroites, des maisons petites et entassées les unes sur les autres, une vie serrée, beaucoup de bruit ! Au sud, la ville s’ouvrait sur la Méditerranée ; au nord, elle se pressait au pied de montagnes de 3000 mètres d’altitude. Elle possédait un port très actif. Les voies romaines qui reliaient l’Orient à l’Occident passaient par là.

(Source : chroniques du P. Yvon-Michel Allard, s.v.d.)